"Le thé appelle la vision de cabanes, de montagnes et de déserts, de voyages et d'horizons lointains, de rencontre entre voyageurs. Dans la solitude, il incite à la réflexion, à la méditation et au souvenir. Même lorsque nous sommes seuls, les gestes rituels du thé nous relient aux autres hommes. Lorsque, près de sa cabane, on fait chauffer l'eau sur la braise dans une bouilloire de fonte, le monde est vaste et sans limites".
J'ai découvert l'auteur l'an dernier avec "Ma vie dans les monts" et j'ai eu envie de continuer par cette parution plus ancienne, où j'ai retrouvé le mélange qui m'avait plu, entre voyages, pratique spirituelle, réflexions sur la société, immersions dans la nature.
Si le narrateur étudie en profondeur le zen et les écrits anciens, il consacre aussi beaucoup de temps à des travaux physiques durs, défricher, rebâtir, de préférence dans des coins perdus. Curieusement, j'ai d'abord regretté les digressions qui nous éloignaient des cabanes avant de me laisser porter par les pérégrinations de ce grand voyageur.
C'est une lecture consistante, riche en références et qui renvoie à d'autres lectures. Je n'ai pas pu suivre l'auteur dans ses réflexions sur le boudhisme zen, trop pointues pour moi, ce qui n'empêche en rien d'apprécier l'ensemble, très bien écrit.
"Le malaise existentiel, lorsqu'il atteint une certaine intensité, demande, pour guérir, un retrait à l'écart, une régression matricielle. On se roule dans une couverture-placenta, on se couche dans un lit, on s'isole dans une cabane au fond des bois. Quelquefois, dans une voiture, on roule vers nulle part, vers ailleurs, vers un horizon, une cabane solitaire. La confusion passionnelle et la souffrance, lorsque l'on ne sait à qui parler, lorsque l'on ne sait trouver d'issue, demande pour s'épuiser solitude et silence. Heureux celui qui, parce qu'il a la possibilité de se libérer de ses attaches, ou qu'il n'en a pas encore, peut partir sur les routes, errer par le monde, planter un jour son bâton de marche en disant : "Ici", et y contruire sa cabane."
Antoine Marcel - Traité de la cabane solitaire - 192 pages
Arléa - 2011