Le jour d'avant
"Je n'avais pas honte. Moi aussi, j'étais un ouvrier. Pour toujours. Paris ne changerait rien, je le savais. Mais il fallait que je quitte le bassin. Je ne voulais pas d'un horizon de terrils. De l'air âcre des cheminées. Je ne pouvais plus passer devant les grilles de la mine, croiser les gars sur leurs mobylettes. Baisser les yeux face aux survivants. Entendre le souffle des chevalements que seul mon Jojo avait le droit d'imiter. J'étais épuisé des hommes à gueules de charbon. Je ne supportais plus de voir leurs mains balafrées, entaillées, leurs peaux criblées à vie d'échardes noirs. Les regards harassés me faisaient de la peine. Même le dimanche, même nettoyés dix fois, les cous, les fronts, les oreilles racontaient la poussière de la fosse".
Michel a 16 ans et un grand frère, Jojo, pour qui il a une admiration démesurée. Jojo n'a pas suivi la trace de son père paysan et a rejoint la mine, seul horizon de cette région du nord.
La toile de fond du roman évoque la catastrophe de Liévin qui a eu lieu le 27 Décembre 1974 et a fait une quarantaine de morts, par négligence et souci de la rentabilité avant la sécurité des hommes. Jojo faisait partie des victimes , pour autant son nom ne figure pas sur la liste parce qu'il a survécu quelques semaines.
Michel a quitté la région, mais n'a jamais oublié le dernier mot de son père "Venge-nous de la mine". Il a vécu heureux avec Cécile, qui acceptait les humeurs et les obsessions de son mari, sans les approuver. Mais Cécile vient de succomber à la maladie et il est temps pour Michel d'exécuter la vengeance promise au père.
J'ai un avis en demi-teinte sur ce roman, le premier que je découvre de l'auteur. J'ai été captivée par tout ce qui a trait à la catastrophe, l'ignominie de la Direction des Charbonnages, la lâcheté de tous ceux qui savaient que la fosse n°3 était à la merci d'un coup de grisou, l'incroyable arrogance des patrons qui ont osé déduire le prix du vêtement de travail détruit du dernier salaire des morts. La vie quotidienne des mineurs est minutieusement décrite à travers le grand frère ; Michel a compris que Jojo avait peur de retourner à la mine, mais il l'admire tellement qu'il a l'intention de le suivre dès qu'il aura l'âge.
Tout s'est gâté avec le coté fictionnel. Dès le début, le personnage de Michel m'a mis mal à l'aise, quelque chose était trop faux dans son attitude, trop lisse. L'auteur sait raconter une histoire et j'ai admiré les rebondissements qu'il ménage, sans y croire cependant. Plus nous avançons dans la connaissance du passé, moins j'y ai cru. C'est gênant pour ressentir de l'empathie. De fait, je suis restée extérieure et j'ai refermé le livre dubitative.
L'avis de Brize Delphine-Olympe Leiloona Saxaoul Sylire
Lu dans le cadre des Matchs Littéraires de PriceMinister
Sorj Chalandon - Le jour d'avant - 326 pages
Grasset - 2017