Léger fracas du monde
"Evidemment, dit Evariste, je comprends. Moi aussi, les échecs, ça m'a, comment dire, sorti d'affaire à cette époque. Bon, c'est vrai. C'est facile de s'y perdre, dans tout ça, enfin je veux dire, dans le labyrinthe des cases, les noires, les blanches. Il y en a même qui disent que c'est ça qui rend fou, que c'est juste ça. Tu parles. Moi, je crois plutôt que ça permet d'oublier tout le reste, n'est-ce-pas".
Evariste Galois quitte sa maison pour se rendre au bord du lac du Bourget, à Aix-les-Bains, avec l'intention de peindre son dernier tableau. D'Evariste, nous ne saurons pas grand chose, juste des bribes et ce qui se devine entre les lignes. Quelques indications ici et là permettent de reconstituer un puzzle qui gardera des zones d'ombre.
Il a l'allure d'un enfant et une innocence du regard qui rend belles ses improbables rencontres, surtout avec les femmes. Il y aura d'abord une fillette de huit ans, dans le train, puis Tiffany, jeune femme au bord du suicide ; Cerise, la prostituée, dont le rêve est de jouer au théâtre ; Apo la joueuse d'échecs muette. Et toujours en filigrane, Daphné, celle qui lui a donné le goût de peindre quand il était là-bas, dans la maison de soins George Sand, où il a dû passer beaucoup de temps.
De ce qui l'avait amené là, il ne sera pas question, une simple allusion à un homme-des-dimanches au visage laid. Tout comme nous devinons qu'Evariste est plus que le peintre amateur qu'il semble être.
Sur une trame assez ténue, l'auteur réussit comme d'habitude à nous toucher. Tout est dans la manière d'être d'Evariste, tellement attachante. Que ce soit son rituel pour se mettre à peindre, son attention à suivre une partie d'échecs, son souci des autres, il intrigue, il émeut et on le quitte à regret.
C'est ma participation à "Un mois, un éditeur", ce mois-ci la Fosse aux Ours
Antoine Choplin - Léger fracas du monde - 153 pages
La Fosse aux Ours - 2005