Fable d'amour
"Elle éprouva alors une énorme douleur, car elle s'était rappelée tout-à-coup qu'il y avait, enfouie en quelque point inaccessible de sa vie, cette rencontre impossible qu'elle avait recherchée, puis qu'elle avait trahie, ce trésor perdu. Et ce n'était pas seulement lui qu'elle avait trahi, mais elle-même, y compris la partie la plus secrète et la plus haute d'elle-même".
Un vieux clochard sans mémoire, puant et en haillons, Antonio, rencontre une merveilleuse jeune fille, Rosa et c'est l'amour absolu. Nous sommes bien dans une fable, magnifiée par l'écriture d'Antonio Moresco. Le vieil homme a oublié jusqu'à son identité, les autres le prennent pour un fou, il ne parle plus. Elle va lui rendre la parole, le rire et le bonheur de vivre.
Et puis un jour, elle se lasse et le trahit. Ce n'est pas la fin de l'histoire, mais je ne vous en raconte pas plus.
Il y a dans ce roman un fort contraste entre la description impitoyable du quotidien du vieil homme, de son état physique, et la luminosité de l'histoire d'amour. L'auteur nous fait passer de la réalité la plus crue à une totale douceur.
Qu'est-ce que l'amour, pourquoi se manifeste-t'il à contretemps, que veulent les hommes et les femmes, comment se regardent-ils, le vieil homme n'en finit plus d'y penser, jusqu'au jour où il n'y pense plus du tout et retourne à un oubli bienfaisant.
Un troisième personnage a son importance dans l'histoire, un pigeon, qui semble veiller en permanence sur le vieil homme et le suit partout où il se trouve, attentif et fidèle.
Nous retrouvons dans la deuxième partie une touche de fantastique, déjà rencontrée dans "La petite lumière" avec une fin inattendue particulièrement belle.
Si son livre précédent se déroulait dans une nature profonde, ici c'est le monde urbain qui est décrit dans toute sa dureté vis-à-vis des laissés pour compte ou des inadaptés qui ne voient pas de sens à la société actuelle.
Dans une post-face, l'auteur explique le cheminement qui l'a conduit à l'écriture de ce qu'il appelle "trois romans jumeaux". Il en reste donc un à paraître.
Un roman merveilleusement bien écrit, tantôt plein de rudesse, tantôt poétique. Si j'ai aimé cette lecture forte, je reconnais tout de même une préférence pour "La petite lumière", le thème m'avait davantage embarquée.
C'est ma première participation au mois italien d'Eimelle
Merci Ptit Lapin
Antonio Moresco - Fable d'amour - 125 pages
Traduit de l'italien par Laurent Lombard
Editions Verdier - 2015