Ça ressemble à une vie
Comment qualifier ce petit recueil de 33 pages, retraçant une vie ? Curieux objet littéraire, sans majuscules, quasiment sans ponctuation, oubliant souvent les verbes, hésitant, trébuchant, repartant, fragile, parsemé d'italiques.
L'auteur nous conte ici la vie de Louis Even. D'abord la guerre, puis le retour près de sa femme, Marthe. La naissance d'un fils aîné doué, un deuxième fils handicapé. Un travail que l'on devine dans le bois, l'acquisition d'un atelier. Les années filent. Une autre femme en cachette. La maladie de Marthe. La vie continue, la vieillesse se profile ..
Un peu surprise au départ par la forme, je me suis glissée très vite dans la vie de Louis, l'émotion est là tout le temps, à fleur de mots, au lecteur de compléter les vides, ce qui se fait avec une facilité déconcertante.
On referme le livre à la dernière page, attendrie, émue par une vie toute simple si proche des nôtres, avec l'impression d'avoir partagé un moment précieux, plein d'humanité.
Deux extraits différents pour vous donner une idée :
petite maison fond du jardin
basse si basse gare au bâti
vieux poêle à bois parfois la fumée reflue
noircit au plafond de drôles de paysages
sur la toile cirée le soir cahier d'écolier un crayon
il dessine
une chambre un berceau elle se penche sur lui
j'aimerais ... plus ajouré ici plus ... elle pose la main
dans ses cheveux
sur son ventre
puis la lampe vacille
tendresse
40. vomissures de feu. dégueulis fétides, l'odeur ...
un déluge toute la nuit. ramper dans cette merde
froide. chairs gluantes. poumons écrabouillés.
macchabées. chier sous soi. godasses pourries.
vareuses en loques. ratatinés. sous les bombes.
de partout. les stukas le vrombissement aigu
quand ils piquent. pissant le sang. tripes à l'air
lui, par miracle ...
Un grand merci à Philisine
Roger Wallet - Ça ressemble à une vie - 36 pages
Editions des Vanneaux - 2005