L'empoisonneuse d'Istanbul
"Tu dis ça parce que tu n'appartiens pas à une minorité et tu ne sais même pas ce que cela veut dire, me rétorque-t'il avec véhémence. Tu ne peux pas comprendre ce que l'insécurité veut dire, ni la peur que l'on porte en soi, ni la haine qui peut se déchaîner à la moindre étincelle. Jamais une minorité n'a été comprise par ceux qui appartiennent au grand nombre. Moi, je comprends mieux la communauté roum que tu ne pourras jamais le faire".
C'est le drame chez le commissaire Charitos. Sa fille Katarina, a décidé de se marier civilement et pas à l'église, au grand dam de sa femme, Adriani, qui ne décolère pas. Dans le but d'éteindre le feu, il lui propose un petit voyage à Istanbul, ville restée Constantinople pour les Grecs qui ont dû la quitter.
Deuxième lecture de Petros Markaris pour moi, l'intérêt premier est toujours le contexte dans lequel l'auteur place son commissaire, ici les relations gréco-turques, jalonnées d'évènements tragiques. Les Grecs ne sont plus qu'une poignée à vivre encore à Constantinople (les roums), nourris de souvenirs et de regrets.
Parti pour une semaine d'excursions, de shopping et autres joyeusetés de groupe, Charitos est vite interpelé à l'hôtel par un Grec inquiet de la disparition d'une nonagénaire, Maria, disparue alors qu'elle avait pris la route pour Istanbul. Charitos pense se débarrasser assez vite du problème, mais il s'avère que la vieille femme, pourtant à bout de souffle, sème les cadavres sur son passage, tout en restant insaisissable.
Il va lui falloir chercher le mobile qui se cache derrière ce périple macabre, seulement il n'est pas chez lui et il doit collaborer avec un collègue turc, Murat, ce qui ne sera pas toujours évident, les susceptibilités étant à fleur de peau et l'animosité bien installée.
Charitos n'a pas la tâche facile, entre sa femme Adriani, mécontente de la tournure des évènements, les sorties en groupe qui ne sont pas franchement sa tasse de thé, sa difficile collaboration avec Murat et le conflit avec sa fille qui le contrarie fort.
Heureusement il y a l'humour de l'auteur et Istanbul, son animation, ses vieilles rues, ses ponts, ses habitants et son histoire. Les personnages secondaires sont étoffés, Murat, le flic turc qui a vécu longtemps en Allemagne, les compagnons de groupe dont certains guident Charitos à travers la ville. Et bien sûr, Maria, la mystérieuse empoisonneuse qui prépare la tyropita comme personne, parfois pour tuer, parfois pour remercier .. Charitos la retrouvera-t'il ?
Un bon moment de lecture, qui me conforte dans l'idée de poursuivre la série.
L'avis de Gwenaëlle Miriam Sandrine Yueyin
Petros Markaris - L'empoisonneuse d'Istanbul - 288 pagesTraduit du grec par Caroline Nicolas
Editions du Seuil - 2010