L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir
"Hier j'ai fait le premier cours en remplacement de mon Pierre. Quel navrement et quel désespoir ! Tu aurais été heureux de me voir professer en Sorbonne, et moi-même je l'aurais si volontiers fait pour toi. - Mais le faire à ta place, ô mon Pierre, pouvait-on rêver une chose plus cruelle, et comme j'en ai souffert, et comme je me sens découragée. Je sens bien que toute faculté de vivre est morte en moi, et je n'ai plus que le devoir d'élever mes enfants et aussi la volonté de continuer la tâche acceptée. Peut-être aussi le désir de prouver au monde et surtout à moi-même que celle que tu as tant aimée avait réellement quelque valeur".
Ce livre tourne sur les blogs depuis un moment, je vais donc être brève pour sa présentation. L'éditrice de Rosa Montero lui propose d'écrire la préface du journal intime que Marie Curie a rédigé après la mort de Pierre Curie. Rosa Montero venant elle-même de perdre son mari, Pablo, après vingt et un ans de vie commune, elle accepte immédiatement. L'effet miroir est évident.
Marie Curie fait partie des personnalités dont on croit connaître la vie, en tout cas dans les grandes lignes. Plonger dans ses écrits intimes m'a montré que je ne savais quasiment rien, mis à part sa nationalité polonaise et la découverte du radium. Contrairement à l'image sévère qui en est souvent donnée, c'était une passionnée, son amour incommensurable pour Pierre en témoigne.
C'est de loin la partie qui m'a le plus enthousiasmée, la vie de famille en Pologne, les sacrifices qu'elle a dû faire pour étudier, son dévouement à son vieux père, puis son arrivée en France après sa soeur Bronia, la rencontre avec Pierre, l'évolution de leurs recherches. A travers elle, nous voyons aussi la condition des femmes à cette époque-là, toujours infériosées, mineures, Marie elle-même a intégré ce schéma-là et s'efface systématiquement devant Pierre.
Puis c'est le drame, l'accident qui coûtera la vie à Pierre après seulement onze ans de vie commune et le déchirement pour Marie, seule avec deux filles. Tout ce qui touche aux Curie est raconté de manière très vivante et replacé dans le contexte.
En regard, j'ai trouvé les réflexions de l'auteure sur son propre deuil inégales et moins fortes. L'anecdotique et la digression dominent parfois un peu trop, affaiblissant le propos. Et j'ai deux réserves sur la forme. Il est constamment question de photos dans le texte ; or, nous n'en voyons aucune alors qu'elles étaient présentes dans l'édition espagnole. C'set dommage. Et la deuxième, c'est l'utilisation constante et énervante de hashtags dont je me demande bien ce qu'ils sont censés apporter.
Malgré mes réserves, j'ai pris plaisir à cette lecture qui pousse au questionnement sur des thèmes importants.
Kathel me signale que la traductrice, Myriam Chirousse, donne une explication sur l'utilisation des hashtags par l'auteure, dans les commentaires, sur le billet de Valérie.
L'avis de Cuné Dominique Keisha Maryline Valérie
Rosa Montero - L'idée ridicule de ne plus jamais te revoir - 175 pages
Traduit de l'espagnol par Myriam Chirousse
Editions Métailié - 2015