Un vent de cendres
"Une sorte de nausée le raidit. Le début de la colère. A l'intérieur ça sature, et sa gorge se noue de ne pas laisser sortir les insultes. Ce n'est pas tant le mépris qu'il a de ces gens, il le sait : c'est une vieille jalousie haineuse qui le charcute du dedans à les croire tous heureux, et même si ce n'est pas vrai, si certains sont au bout du rouleau, ils font semblant et rient aux éclats, la tête haute, ils font semblant et ça ne se voit pas. Au fond de lui, Octave n'a que violence et chagrin à présenter. Son visage ne ment pas, défait, livide."
Le roman s'ouvre sur la description d'un accident de voiture terrible, où Laure, jeune épouse d'Andréas perd la vie. C'est Andréas qui conduisait, il en sort très abimé, ainsi qu'Octave, l'ami qui était à l'arrière, boiteux et défiguré par une longue cicatrice.
Nous les retrouvons tous les deux dix ans plus tard, dans un domaine champenois à la veille des vendanges. Andréas en a hérité. Un groupe de jeunes arrive pour la semaine, dont Camille et son frère Malo, Camille qui ressemble étrangement à Laure.
Le décor est campé, la tragédie peut se mettre en place, avec un contraste fort entre la gaieté des vendanges, l'insouciance des jeunes venus autant pour faire la fête que pour travailler, et le drame qui couve, sur fond de traumatisme resté vivace, de folie et de haine-amour mélangés. Octave tourne autour de Camille au grand dam de Malo, Malo qui disparaît au bout de trois jours. Andréas ne se montre jamais, se contente de surveiller les uns et les autres derrière ses rideaux.
Tout le monde pense que Malo est simplement parti faire la fête ailleurs, comme cela lui arrive parfois, sauf Camille qui est sûre que son frère ne l'aurait jamais laissée sans nouvelles plus d'une journée. Elle va s'obstiner à chercher la vérité, jusqu'au déraisonnable. Pauvre jeunesse qui croit toujours que rien ne lui résistera ..
Ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus, je vais vous laisser sur le gril et découvrir vous-même de quoi il retourne. J'ai été étonnée d'être happée à ce point dès les premières pages par l'histoire et ne plus pouvoir la lâcher. Le style est vif, enlevé, on se retrouve dans la tête de Camille, dans celle d'Octave et Andréas. L'atmosphère du domaine est lourde et inquiétante, malgré la présence rassurante de Lubin, le contremaître, la nature n'est pas un refuge, plutôt un danger, on est à l'affût du moindre détail comme Camille. Tout au long de ma lecture j'ai espéré que le dénouement soit à la hauteur, il l'est.
Je précise que je n'ai pas encore lu le premier roman de l'auteur "des noeuds d'acier", ce qui ne saurait tarder maintenant.
Merci au Livre de Poche, aux Editions Denoël et à l'auteur.
L'avis de Clara et des deux Sandrine "Tête de lecture" "Pages de lecture"
Sandrine Collette - Un vent de cendres - 261 pages
Editions Denoël - 2014