En avant, route !
Dans les années 1990, j'écoutais avec délectation les chroniques cinéma d'Alix de Saint-André sur Canal +. J'ai lu ensuite avec la même délectation "archives des anges" ouvrage bien documenté sur les trois religions monothéistes, assaisonné de l'humour particulier de l'auteure. J'étais donc la bonne cliente pour son dernier livre.
Alix de Saint-André a fait trois fois le chemin de Saint-Jacques, sur des trajets variés et à chaque fois avec une motivation différente. Ce sont ces trois voyages qu'elle nous raconte avec sa verve coutumière et son apparente légèreté.
"Nous sommes tous des pélerins redoublants. L'essence du pélerin est de redoubler. On a laissé quelque chose en chemin, on veut aller le rechercher. Quoi ? Ce n'est pas très clair, mais c'est impérieux. Une sorte de vérité entrevue et qui s'est effacée avec le retour. Une façon de vivre aussi. Les deux sont liés. Quand on arrive, on n'en a pas terminé avec cette histoire."
On y retrouve les ingrédients habituels dans ce genre de récit. Pourquoi entreprend t'on le chemin ? Qu'est-ce qui fait tenir malgré les misères physiques, les pieds en souffrance, le dos brisé, l'épuisement quotidien des fameux quatre derniers kilomètres ?
"Les pélerins ne sont ni des randonneurs ni des touristes ; ils n'achètent rien ; ils n'emportent rien ; ils passent en traçant un sillon éphémère dans l'imagination des sédentaires... Ils ne servent à rien sinon de relais mobiles à leurs messages pour le ciel. Les bons et les mauvais, car je me suis aussi fait engueuler en pleine cambrousse par une jeune femme déprimée qui voulait me détourner d'aller à Saint-Jacques ; pour quoi faire hein ? Nous sommes le papier tue-mouches des prières comme des blasphèmes."
L'auteur ne donne pas vraiment de réponse, elle nous livre en vrac ses impressions sur la foi, ses compagnons de voyage plus ou moins pittoresques et supportables, son désir de marcher en silence, en méditant, ce qu'elle n'arrivera jamais à faire. L'ensemble est très plaisant, se suit sans peine, j'ai toutefois eu le sentiment vers la fin d'un bâclage un peu fourre-tout, comme si elle ne savait pas trop quelle direction donner à son livre. Peut-être a-t'elle voulu rester dans un registre purement humoristique. Pourtant, la profondeur affleure souvent. Il me semble que son vrai livre sur le chemin reste à faire ..
"La cathédrale à la tombée de la nuit était comme dans une forêt familière, tendre et profonde. Sous les vitraux transformés en gigantesques toiles d'araignée, la flamme tremblotante des cierges donnait aux piliers la sève de grands arbres protecteurs et aux statues une carnation presque humaine. Maïté, qui donna un coup de tampon sur ma crédentiale, me conseilla de rester pour le chapelet chanté, et je me retrouvai à déambuler derrière de solides garçons portant des lanternes, parmi les fidèles, prise dans une étrange chorégraphie, tournant autour du choeur en fredonnant, dans un moment enchanteur de douce rêverie".
Ne vous privez cependant pas de cette lecture qui est souvent un vrai régal. Le régard d'Alix de Saint-André sur ses contemporains n'est pas seulement drôle, elle se montre aussi tendre, secourable et excellente copine !
L'avis de Chiffonnette Cuné Ptit Lapin
Alix de Saint-André - En avant, route ! 308 pages
Gallimard - 2010