"Dites-moi où vous conduisent vos chemins. Ce qu'ils vous ont amenée à découvrir. Dites-moi si une lueur commence à percer votre nuit, ou si vous marchez déjà sur un sol ferme, dans la clarté du jour. Quoi que ce soit que nous ayons à endurer ou à subir, ne perdons pas de vue que tout est vie, et qu'en conséquence, tout est bon à vivre".
Quatre lettres à une amie chère. Quatre saisons. De l'amie, nous saurons seulement qu'elle vit au Texas et envisage l'écriture d'un roman. De celui qui écrit, nous devinons qu'il est plus âgé et peut se retourner sur toute une existence et en tirer des enseignements.
Si vous suivez ce blog depuis un moment, vous savez à quel point j'aime les textes de Charles Juliet, surtout ses journaux. Il n'y a pas un mot de trop chez lui, rien n'est superficiel ni gratuit, c'est un questionnement sans relâche sur le temps, l'écriture, la lecture, les mots et surtout la recherche intérieure portée à son incandescence.
Un roman de Charles Juliet ne se raconte pas, il faut le lire, je choisis donc plutôt quelques extraits :
"Si vous saviez combien j'aime l'automne, combien je me sens accordé à cette saison. Les ardeurs de l'été ont pris fin, et avec elles, les tensions, parfois le mal-être qu'elles entraînent. Une douceur est là, présente dans l'air, les lumières, les ciels qui pâlissent. En elle se profile la menace du déclin, et c'est peut-être cette menace qui donne tant de prix à la splendeur de ces journées où la vie jette ses derniers feux".
"Depuis des semaines, je n'ai pas pris la plume. Mais je ne m'en inquiète point. Je ne puis écrire que ce qui m'est plus ou moins donné. Le plus clair de mon temps se passe donc à attendre. Avant, quand la source se tarissait, je m'alarmais, pensais qu'elle ne rejaillirait plus, qu'il ne m'en viendrait plus rien. Maintenant, je sais que je peux garder confiance. Un jour ou l'autre, le doux murmure se fait entendre. Il ne s'agit que d'être prêt, de se mettre à son écoute, de capter ce qu'il balbutie ou me dicte d'une voix claire et nettement audible".
"L'hiver, quand on subit les brouillards, le froid, la neige, on rêve à l'été. Mais lorsqu'il est là, avec ses nuits où le sommeil se refuse, ses chaleurs exténuantes, ce mal-être dans lequel elles nous mettent, on se prend à le maudire".
"Vie sauvage tumultueuse imprévisible
Par peur qu'elle nous entraîne
là où nous redoutons d'aller
nous nous empêchons de vivre"
Si vous ne connaissez pas encore l'auteur, c'est une bonne introduction à son oeuvre. Ses écrits récents sont nettement plus apaisés que les premiers journaux.
Un grand merci à Maryline.
Charles Juliet - Dans la lumière des saisons - 58 pages
P.O.L. 2009