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Le goût des livres
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1 juillet 2010

Là-haut, tout est calme

W10"Toute ma vie j'ai eu peur. Peur du silence et de l'obscurité. Et toute ma vie j'ai eu du mal à m'endormir. Il suffit que j'entende un bruit que je ne suis pas en mesure d'identifier et c'en est fait du sommeil."

Helmer vit seul avec son père grabataire dans la ferme familiale. Un beau matin, il décide d'installer son père dans sa chambre "là-haut" et prend possession de la pièce du bas, qu'il repeint et meuble de neuf.

Il est assez isolé dans cette région du nord de la Hollande, a peu de contacts et ne semble pas en souffrir, les journées seulement ponctuées par les travaux de la ferme, le rythme des saisons et les visites de sa plus proche voisine, Ada, et de ses deux fils Ronald et Teun.

Sous cette apparente sérénité couvent et bouillonnent des histoires anciennes et mal réglées qui ne demandent qu'à refaire surface.

J'ai terminé ce roman dans un flou un peu intrigant. De quoi parle au juste ce livre ? Quel en est le thème central ? Peu importe, il est captivant et l'écriture m'a emportée là où l'auteur voulait bien m'emmener.

On peut penser d'abord être dans une histoire assez contemplative avec la description de la nature, du ciel, des nuages, des champs, des journées qui passent lentement, des travaux à répéter au quotidien. Ce n'est qu'une apparence. Les personnages sont rudes et nettement moins lisses qu'il n'y paraît. Le drame qui a cassé la vie d'Helmer, c'est la mort de son frère jumeau Henk, il y a trente cinq ans. Il a péri dans un accident de voiture, alors que c'est sa fiancée, Riet qui était au volant.

Il y a aussi le père, ce père tyrannique et cruel qui a empoisonné la vie des deux garçons et de leur mère et a contraint Helmer à reprendre la ferme à son corps défendant alors qu'elle était destinée à Henk, le fils préféré.

"Bizarre que je fasse toute une affaire d'être le dernier des Van Wonderen. Sans femme, sans enfant, et avec un père décrépit que je n'ai encore jamais entendu gaspiller sa salive à parler de sa famille, je ne m'attends pas à ressentir en moi ce que peut être la chair de ma chair. Est-ce la ferme ? Notre ferme ? Un tout, constitué de bâtiments, de bêtes et de terre, avec lequel je ne voulais rien avoir à faire, qui m'a été imposé, et avec lequel il est possible qu'au fil du temps j'aie fini par m'identifier ?"

Comment fait-on pour s'occuper d'un vieil homme que l'on n'aime pas ? La relation père-fils donne lieu à quelques pages saisissantes et inquiétantes, surtout lorsque Riet ressurgi après tant d'années, troublant durablement l'immobilité d'Helmer en voulant lui confier à tout prix son jeune fils en difficulté.

Je tourne un peu autour du pot, mais pour moi le thème le plus fort c'est celui de la gémellité. La disparition de Henk a brisé Helmer, l'absence est toujours aussi forte trente cinq ans après. Un frère jumeau meurt noyé, l'autre peut se retrouver des années plus tard la tête sous l'eau (au sens propre comme au sens figuré). D'autres questions plus subtiles planent dans l'air. Comment vivre quand l' un des deux jumeaux s'éloigne et commence à faire sa vie sans l'autre ? Que ce serait-il passé si Henk avait survécu ? C'est une jumelle qui vous parle et pour une fois j'ai trouvé ces questions là très bien posées.

L'histoire garde une certaine opacité jusqu'à la fin et c'est bien comme çà. Les raisons d'Helmer ne sont pas forcément plus limpides, mais on peut espérer que la vie va reprendre enfin son cours pour lui.

Ne croyez pas que ce roman soit sombre et triste, ce n'est absolument pas le cas, il y a un charme indéfinissable et une beauté qui plane en permanence et en fait une lecture prenante.

"J'attends. Le journal est devant moi, sur la table, mais je ne peux pas lire. Je suis assis, les yeux fixés au-dehors. La pendule ronronne, tout est calme là-haut, il reste quelques gorgées de café froid dans ma tasse. Il n'y a pas que là-haut que c'est calme, c'est calme partout, la pluie bat doucement sur le rebord de la fenêtre, la route est mouillée et déserte. Je suis seul, je n'ai personne contre qui me blottir."

Merci Cathulu.

L'avis de Antigone Armande Bellesahi Dominique 

Gerbrand Brakker - Là-haut, tout est calme - 351 pages
Gallimard - 2009

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Commentaires
A
@ Lou : j'en garde le souvenir d'un roman plutôt captivant dans sa lenteur. Au final, le personnage d'Helmer m'a bien plu, je me suis sentie plutôt en empathie avec lui et comme tu le soulignes son évolution est positive.
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L
Je suis d'accord avec toi, au début je pensais que ce pauvre Helmer ne s'en sortirait jamais, j'aurais presque envisagé une fin tragique et un suicide, et au final c'est un livre assez lumineux.
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A
@ Filo Filo : contente de te revoir par ici ! je note ta suggestion et sort vite "là-haut tout est calme", tu devrais aimer.
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F
Coucou Aifelle !<br /> <br /> Ce livre attend dans la PAL depuis une année environ ... Après lecture de ta fiche, je pense que je vais le sortir de l'armoire après avoir terminé l'adorable petit dernier de Maxence Fermine, "Le papillon de Siam". Je te le recommande chaudement !
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A
@ Choco : une chance, parce qu'il est déjà parti chez toi.
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