LA DOULEUR
"J'ai retrouvé ce journal dans deux cahiers des armoires bleues de Neauphle-le-Château. Je n'ai aucun souvenir de l'avoir écrit. Je sais que je l'ai fait, que c'est moi qui l'ai écrit, je reconnais mon écriture et le détail de ce que je raconte, je revois l'endroit, la gare d'Orsay, les trajets, mais je ne me vois pas écrivant ce journal. Quand l'aurais-je écrit, en quelle année, à quelles heures du jour, dans quelle maison ? Je ne sais plus rien" (extrait 4e de couverture).
Ce livre est composé de plusieurs textes évoquant les premiers temps de la libération et l'activité de résistante de Marguerite Duras. Le texte le plus fort est celui qui a donné son titre à l'ensemble "la douleur".
A propos de cette épreuve, Marguerite Duras parle elle-même "d'un désordre phénoménal de la pensée et du sentiment", c'est exactement l'impression que j'ai eue à la lecture. J'en suis sortie complètement sonnée. Son mari, Robert L. a été arrêté et déporté. Est-il vivant, est-il mort quelque part en Allemagne où les combats ne sont pas terminés ? Et s'il revient, dans quel état ? Les premiers libérés rentrent, elle essaie désespérément d'avoir des informations. Elle est tenaillée par une douleur indicible, paroxystique. L'écriture est sèche, les phrases courtes. C'est violent et brutal. On sent un décalage très grand entre une population en joie et celles qui attendent .. attendent jour après jour.
Les autres récits mettent en scène un agent de la Gestapo, un milicien, un étranger et évoquent les premières épurations. Je les ai trouvés troublants, mais l'époque était fort troublée.
Ce livre a soulevé suffisamment de questions chez moi pour que j'ai envie maintenant de lire sa biographie par Laure Adler.
A noter que "la douleur" a été interprétée au théâtre des Amandiers par Dominique Blanc fin 2008. Il y a une tournée qui ne passe hélas pas dans ma région, je pense que la comédienne doit être excellente.
Marguerite Duras - La douleur - Gallimard - 1993