Le déclin de l'empire Whiting
"Et voilà le truc, conclut Tick. Ce n'est pas parce que les choses arrivent progressivement qu'on est prêt à les vivre. Quand ça urge, l'esprit s'attend à toutes sortes de mouvements brusques, et on sait que la vitesse est un atout. La "lenteur" qui fonctionne sur un mode totalement différent, donne à tort l'impression d'avoir le temps de se préparer, ce qui occulte une réalité fondamentale, à savoir que les choses peuvent sembler particulièrement lentes, on sera toujours plus lent soi-même."
Quatrième lecture de Richard Russo depuis le premier confinement, c'est incontestablement l'auteur de l'année chez moi. Et toujours le même bonheur de me lancer dans un pavé en souhaitant le faire durer le plus longtemps possible tellement j'aime son univers.
Nous sommes à Empire Falls, petite ville du Maine, dominée par la famille Whiting depuis plusieurs générations. Autrefois florissante, l'entreprise de la famille a périclité et Empire Falls avec elle. Dans cette famille, les hommes ont la fâcheuse habitude d'abréger eux-mêmes leur vie, laissant les femmes au gouvernail. Francine en est la dernière représentante. Elle est aussi la propriétaire du bar miteux tenu par Miles Roby.
Ce dernier est le personnage central du roman. Sa femme vient de le quitter pour un vantard insupportable qui vient lui casser les pieds tous les jours au bar. Sa fille ado ne lui adresse presque pas la parole. Sa servante, Marlène, dont il est amoureux depuis longtemps, sans le lui dire, n'a pas d'attirance pour lui. Comme si ce n'était pas suffisant, le père de Miles, un incapable indécrottable et alcoolique, lui soutire de l'argent sans aucun scrupule.
Beaucoup de personnages dans ce roman dont on se demande ce qui les lie subtilement tout au long du roman. Par des retours en arrière réguliers à l'époque où la mère de Miles était encore vivante, nous comprenons peu à peu ce qui a retenu Miles à Empire Falls, et ce qui fait que, sous couvert de l'aider, la vieille Francine Whiting le maintient dans un statut minable, qui aurait horrifié sa mère.
Ce n'est pas un roman trépidant où l'action domine, loin de là, il est pourtant captivant, tellement les personnages sont bien vus et approfondis. Au fil des retours en arrière, on pressent ce qui a pu se jouer autrefois pour Miles, gamin de 9 ans, parti en vacances tout seul avec sa mère.
Miles est un homme attachant, souvent bien trop gentil avec son entourage. L'histoire s'accélère dans les derniers chapitres, avec un dénouement époustouflant. Le tout raconté avec humour et tellement de tendresse. Ce roman a reçu le prix Pulitzer de la fiction en 2002.
Lecture commune Richard Russo organisée par Ingannmic avec Keisha Ingannmic Kathel Krol
Richard Russo - La chute de l'empire Whiting - 640 pages
Traduit par Jean-Luc Piningre
10/18 - 2004