Un ciel rouge, le matin
"Quand on y réfléchit un peu, le vieux, on se demande bien ce qu'ils ont fabriqué pendant toutes ces années, les Irlandais. Imagine. Tu te figures un peu où vous en seriez, à l'heure qu'il est, si on vous avait laissé vous débrouiller tout seuls ? Penses-y, ça vaut la peine. Pense à quel point le confort s'est amélioré. Je vais te le dire, le vieux. Livrés à vous-mêmes, vous seriez encore plantés là sous la pluie, de la bouse de vache jusqu'à la poitrine, avec le ciel qui vous pisse sur la tête. Terrés au fond de vos forêts humides, entassés dans des bicoques en bois, en train de vous faucher le bétail les uns aux autres et de vous entretuer pour régler vos comptes. Tu crois que ça mériterait le nom de civilisation, ça ? Moi je suis persuadé que non."
C'est le redoutable Faller qui parle ainsi. L'intendant du domaine appartenant au fils Hamilton. Nous sommes en Irlande, dans les années 1830. Les paysans inféodés aux propriétaires vivent dans une misère crasse, trimant comme des bêtes pour pas grand chose.
Coll Coyle est un jeune métayer au service d'Hamilton. Il est heureux avec sa femme qui attend leur deuxième enfant. Du jour au lendemain, le propriétaire leur intime l'ordre de partir, sans leur donner de raison. Coll voit rouge, il exige des explications et l'entrevue tournera mal. Il est obligé de prendre la fuite.
C'est l'histoire d'une traque impitoyable menée par Faller qui veut la peau de Coll. Il y a d'abord l'errance de ce dernier en Irlande avec des descriptions terribles de la pauvreté générale, de la violence et de la brutalité ordinaires qui vont avec.
Puis il y a l'embarquement, une traversée éprouvante et l'arrivée aux Etats-Unis, où Coll va trouver un autre genre d'exploitation. Celle des ouvriers qui construisent les voies de chemin de fer. Le quotidien y est largement aussi âpre qu'en Irlande, la vie des hommes ne vaut rien, les habitants de la région ne veulent pas d'eux, le travail est harassant, plein de risques.
Coll a toujours Faller à ses trousses et on ne sait plus d'où va venir le plus grave danger. Des conditions de travail de Coll, ou de Faller. Coll rêve de retourner chez lui, de retrouver sa femme et sa fille, de connaître l'enfant qui est né, mais le pourra-t'il un jour ?
C'est un roman haletant, très bien écrit, avec des descriptions d'un réalisme impitoyable. Il décrit un monde d'hommes, sans pitié, où malgré tout certains sont capables d'une certaine solidarité.
Un auteur à découvrir et à suivre.
L'avis de Anne Cristie Jérôme Maryline
Paul Lynch - Un ciel rouge, le matin - 285 pages
Traduit de l'anglais par Marina Bolaso
Le livre de Poche - 2015