Les bottes suédoises
"J'ai bien peur de nourrir, au fond de moi, une sorte de ressentiment désespéré vis-à-vis de ceux qui vont continuer de vivre alors que je serai mort. Cette impulsion m'embarrasse autant qu'elle m'effraie. Je cherche à la nier, mais elle revient de plus en plus souvent à mesure que je vieillis".
"Les bottes suédoises" font suite aux "Chaussures italiennes" sans doute mon livre préféré de l'auteur. Nous retrouvons Frédrik Welin, ex-chirurgien, maintenant sexagénaire, toujours seul sur son île. Le roman commence par une nuit d'incendie ; le feu ravage la maison de Frédrik et il n'a que le temps de s'enfuir avec ce qu'il a sur le dos.
Disons tout de suite que c'est une suite qui n'est pas à la hauteur du premier. Ceci dit, un Mankell même un peu inférieur est bon à prendre et meilleur que bien d'autres écrits. Le caractère de Frédrik ne s'est pas amélioré, c'est un vieil homme hanté par la mort à venir, bouleversé par la perte de sa maison et de ses affaires "C'est à cet instant que j'ai compris que j'avais réellement tout perdu. De mes soixante-dix ans de vie, il ne restait rien. Je n'avais plus rien".
Pour ne rien arranger, Frédrik se rend compte que la police le soupçonnne d'avoir mis lui-même le feu. Plus qu'à une enquête sur les causes de l'incendie, c'est aux conséquences du vieillissement que nous confronte l'auteur, ainsi qu'aux relations féminines de Frédrik. Sa fille Louise, une énigme pour lui et la journaliste Lisa Modin, sa dernière chance, croit-il, de vivre une histoire d'amour.
L'intrigue avance lentement et fait parfois du surplace, sans que ce soit ennuyeux. L'atmosphère de l'île se fait étouffante. Frédrik s'est réfugié dans une vieille caravane et ressasse le passé en contemplant les ruines de la maison héritée de ses grands-parents. Les voisins sont solidaires dans ce milieu dur à l'homme, mais connaît-on vraiment ceux qui nous entourent ?
J'ai aimé cette histoire, malgré Frédrik et son comportement bourru, colérique, incohérent et même antipathique par moment. Le personnage a des failles et laisse passer des éclairs de faiblesse, voire de tendresse qui le rendent attachant.
J'espère que les éditeurs nous réservent d'autres inédits d'Henning Mankell.
Henning Mankell - Les bottes suédoises - 368 pages
Traduit par Anna Gibson
Editions Seuil - 2016