Tout ce qui est solide se dissout dans l'air
"Aucun représentant de l'autorité n'a mis les pieds ici en dépit de ses demandes quotidiennes. Il veut qu'ils viennent là, dans cet endroit où les idéologies, les systèmes politiques, la hiérarchie, les dogmes ne sont plus que des mots creux qui appartiennent à des dossiers relégués dans des bureaux poussiérieux. Aucun système de pensée ne peut justifier pareille réalité. Les membres du personnel médical savent bien quant à eux que, par comparaison, il ne s'est rien produit de significatif auparavant dans leur vie. N'existent que ces mois, ces salles, ces gens".
Un jeune romancier irlandais qui s'attaque à la catastrophe de Tchernobyl, voilà qui attire l'attention et les billets enthousiastes de certaines blogueuses ont achevé de me convaincre. Si ma lecture a été en deçà de ce que j'attendais, c'est néanmoins un bon roman, solidement documenté.
Grigori est chirurgien à Moscou. Rigoureux et doué, il poursuit une carrière brillante en essayant d'améliorer le système administratif de l'hôpital, lourd et inefficace. Sa vie privée est moins réussie, sa femme Maria l'a quitté pour une raison que nous n'apprendrons que plus tard. Maria était journaliste avant d'être reléguée dans une usine pour avoir franchi une limite interdite. Elle s'est réfugiée chez sa soeur Alina, dans un petit appartement. Le fils d'Alina, Evguéni, 9 ans, semble avoir un don particulier pour le piano. Il suit des cours avec pour rêve d'entrer au conservatoire.
Ailleurs, dans la campagne biélorusse, un jeune garçon Artiom, va accompagner pour la première fois son père à la chasse. L'aube est rouge, l'atmosphère inhabituelle. Ce que les hommes ne savent pas encore, c'est que quelque chose s'est passé à la centrale nucléaire, un évènement qui va bouleverser défintivement leur vie.
Tous ces personnages vont se croiser à un moment ou à un autre, les liens vont se nouer autour de la catastrophe. Je n'ai rien appris que je ne sache déjà sur Tchernobyl, mais ce n'est jamais inutile de se souvenir de la chronologie des évènements, du cynisme du pouvoir soviétique qui a sacrifié sciemment des vies humaines et est encore dans le déni aujourd'hui. Le mérite du roman est de nous le faire vivre de l'intérieur, à travers les trajectoires des personnages. Le régime communiste commence à craquer de différentes manières, mais le verrouillage est toujours aussi fort. Ne pas oublier que chez nous, le nuage radio-actif s'est arrêté net à nos frontières ...
La description de ce qui s'est passé dans les jours et les semaines suivantes fait toujours aussi peur. Toute cette partie historique est très réussie. Alors où se situe ma déception me demanderez-vous. Dans le coté romanesque. Je n'ai pas réussi à m'intéresser aux personnages. Autant Grigori que Maria m'ont paru froids et lointains, je n'ai pas pas saisi le ressort qui les animait, je suis restée à distance, ils manquent d'épaisseur.
C'est cependant un premier roman qui ne manque pas de qualités et mérite notre attention.
Darragh McKeon - Tout ce qui est solide se dissout dans l'air - 423 pages
Traduit de l'anglais par Carine Chichereau
Editions Belfond - 2015