La dernière neige
"Un soir, mon père a voulu savoir si j'avais réuni l'argent du milan, et ensuite si je savais déjà comment j'allais le nourrir. Les bruits d'eau ont illustré à merveille ma réponse à propos de l'argent, parce que c'était justement toute cette pluie qui m'empêchait de réunir la somme que Di Gasso demandait. Quant à la nourriture, j'avais prévu de continuer à travailler à l'hospice afin d'acheter chaque jour un peu de viande".
Comme toujours avec cet auteur, l'histoire tient autant dans ce qui est tu que dans ce qui est dit. L'émotion est tapie entre les mots, sans jamais verser dans le pathos.
Le narrateur, un adolescent, se fait un peu d'argent en travaillant à l'hospice. Il propose ses services pour promener les vieillards dans le parc, en échange de ce qu'ils veulent bien lui donner. A la maison, il y a le père qui l'attend, dont on comprend qu'il est très malade, sans doute mourant. La mère quitte la maison la nuit pour une raison que nous devinerons seulement. La minuterie qui se déclenche au moment où elle part tétanise le père et le fils.
Dans cet univers feutré où tout semble figé, le jeune garçon tombe en arrêt devant un milan, perdu dans un bazar d'antiquités devant lequel il passe tous les jours. Dès lors, il n'aura de cesse d'acquérir l'animal. Le lien déjà serré entre le père et le fils se trouvera renforcé dans cette quête. Tous les soirs, l'adolescent va raconter à son père l'histoire de la capture du milan, l'enrichissant au fur et à mesure de sa narration, qu'il imagine être au plus près de la réalité.
Le garçon est hanté par la peur que le milan soit vendu avant qu'il ne puisse gagner la somme nécessaire. Pour aller plus vite, il se résoudra à utiliser des moyens qui le répugnent lui-même, mais il le fera autant pour son père que pour lui.
Des chapitres courts, des phrases sobres qui se résument à l'essentiel, l'auteur m'a encore cueillie avec cette belle relation père-fils, sous-tendue par la proximité de la mort.
Hubert Mingarelli - La dernière neige - 126 pages
Editions du Seuil - 2000