Intrigue à Giverny
"Kintô Fujiwara cherche à se rendormir. Il est heureux. Quand on a réussi à éviter la mainmise d'Antonin Dechaume sur le monde enchanté de Claude Monet, on peut se sentir apaisé. Ce pauvre Dechaume, qui ne sculpte plus mais a gardé son atelier pour épater la galerie, à la tête de ce caravansérail que tous les touristes visitent sans savoir pourquoi, parce que sur la liste des choses à cocher il y a, pour l'éternité : "Avoir vu Impression, soleil levant", ce tableau vite peint qui est loin d'être le plus intéressant de Monet. De cette période Les coquelicots sont mieux. La Pie du musée d'Orsay, avec cette neige éblouissante, date d'avant et Kintô considère que c'est le vrai premier chef-d'oeuvre absolu de Monet."
Je ne vous explique pas pourquoi j'ai choisi ce roman, le titre parle de lui-même. J'ai découvert l'auteur à cette occasion, ainsi que son enquêtrice de charme, Pénélope, dont c'est la quatrième enquête, après Bayeux, Versailles et Venise.
Pénélope est une jeune, mais néanmoins brillante conservatrice et c'est avec Wandrille, son fiancé, journaliste, qu'elle se retrouve au milieu d'une affaire d'assassinat dans le milieu de l'art. Invitée à un dîner mondain au musée Marmottan, elle y est témoin de la disparition de deux femmes, la riche Américaine, Caroline Square et une religieuse de Picpus, soeur Marie-Jo.
Il suffit de tirer le fil et vous vous retrouvez avec une sombre intrigue autour d'un vrai-faux tableau de Claude Monet. L'amitié entre le peintre et Clémenceau y a une grande importance, la guerre de 14-18 aussi, soupçonner Monet d'avoir été un espion ne manque pas de culot. Le rythme est enlevé, nous suivons le couple dans différents lieux emblématiques fréquentés par le peintre, notamment Monaco, à la veille du mariage princier.
Nous sommes dans le beau monde, on se fait bonne figure, mais les coups bas et les croche-pieds sont légion. J'avoue m'être bien amusée devant l'inventivité de l'auteur, son habileté à mélanger faits réels et imagination de romancier. Je soupçonne quelques malicieuses vérités sous des dehors de théories fantaisaistes et de manoeuvres fictives. L'écriture est légère, l'investigation menée tambour battant par Pénélope et Wandrille, avec humour et efficacité.
Quelques pages en fin de roman sont bienvenues, faisant la part entre fiction et réalité. Il est à noter que l'auteur a écrit en grande partie son roman sur place, à Giverny (l'heureux homme !).
"Ici, c'est plus simple : il n'y a rien, mais c'est le vrai Monet. Un Monet qui est partout dans l'air, dans la terre, dans les mouvements et les ombres, dans l'eau. "Je voudrais être enterré dans une bouée, tellement j'aime l'eau", disait le peintre : c'est cette bulle hors du temps où flotte l'âme du maître que les gens viennent découvrir à Giverny. A la fin, Monet n'aimait plus que son jardin, c'était, à ses yeux, sa plus belle oeuvre".
L'avis de Ptit Lapin
Adrien Goetz - Intrigue à Giverny - 294 pages
Grasset - 2014