Etranges rivages
"Il aimait s'allonger sur le dos, la tête posée sur son sac, les yeux levés vers les étoiles en méditant sur ces théories qui affirmaient que le monde et l'univers étaient encore en expansion. Il appréciait de regarder le ciel nocturne et son océan d'étoiles en pensant à ces échelles de grandeur qui dépassaient l'entendement. Cela reposait l'esprit et lui procurait un apaisement passager de pouvoir réfléchir à l'infiniment grand, au grand dessein".
L'auteur nous rend enfin Erlandur, après deux épisodes ternes en compagnie de ses adjoints. Ce n'est pas trop tôt. Et quelles retrouvailles ! Je parlerais de polar contemplatif, tellement la part belle est faite aux réflexions intérieures et aux errances d'Erlandur sur une terre dure et inhospitalière qui lui a pris son frère Bergur autrefois.
Les familiers de la série savent que le policier est hanté par la disparition de son jeune frère au cours d'une tempête surgie brutalement dans les fjords de l'Est. Après ce drame, la famille a déménagé à Reykjavik et Erlandur n'est pas retourné dans la région pendant de nombreuses années, jusqu'à l'inhumation de son père. Depuis, il revient camper régulièrement dans l'ancienne ferme familiale lors de ses vacances.
Les disparitions ne sont pas rares dans cette région où le mauvais temps surprend même les plus aguerris. Erlandur s'y intéresse de près et cette fois-ci, il s'attache à une affaire de soldats britanniques égarés dans une tempête en 1942. La même nuit, une jeune femme, Matthildur, a disparu également, pourtant elle, elle connaissait bien la région et ses dangers. Les soldats britanniques survivants auraient dû la croiser, or personne ne l'a vue. Que s'est-il réellement passé cette nuit-là ?
Obstinément, Erlandur va rencontrer un à un les témoins encore vivants de ce drame. La plupart des personnes qu'il va interroger se souviennent de la disparition de son propre frère, ce qui permet de remonter au coeur de la culpabilité d'Erlandur et de sa douleur.
J'ai tout aimé dans ce volume, la lenteur, l'ultra-présence des paysages d'Islande, intimement cotoyés par Erlandur, les habitants qu'il décrit, en général de vieilles personnes solitaires, alourdies d'épreuves cruelles et enfouies. Erlandur pourrait être le frère de Wallander, aussi têtu, utilisant des méthodes discutables, impossible à arrêter tant qu'il n'atteint pas la vérité, même s'il la garde pour lui.
La vie est sans concession dans ces rudes contrées, l'intuition d'Erlandur sur la disparition de Matthildur l'entraînera plus loin qu'il ne pensait, le temps a recouvert des actes qui font frémir le lecteur. Il n'y a pas les bons et les méchants, mais des réactions humaines en chaîne, parfois incontrôlables.
Erlandur reviendra-t'il apaisé de ce voyage qui l'a mené au bout de ses hantises ? J'espère que nous le saurons dans un avenir prochain.
L'avis de Cathulu Dasola Dominique Stéphie
Arnaldur Indridason - Etranges rivages - 300 pages
Editions Métailié - 2013