Les bonbons assortis
"Quelques jours avant Noël, la cuisine se remplissait de bruit et de poussière de farine, les femmes s'agitaient autour de la grande table centrale où s'entassaient le shortening, le beurre, le gros sac de cinq livres de farine Brodie XXX, la poudre à pâte, le cornstarch, le lait ; ma mère brisait la pâte, ma tante Robertine s'armait du rouleau et grand-mère Tremblay préparait les bases, pur porc pour les tourtières, pure pomme pour les tartes. Ça chantait, ça contait des histoires pas toujours propres, ça médisait, ça se permettait quelques calomnies bien senties et, invariablement, chaque année, on aurait presque pu dire à quelle heure la chicane pognait quand venait le temps de décider si oui ou non on ajouterait de la cannelle au mélange de tarte aux pommes".
Qu'ils sont savoureux et chatoyants ces bonbons assortis ! L'auteur a réuni là des souvenirs d'enfance, du temps où il vivait sous le même toit que trois générations, dans le quartier Mont-Royal à Montréal. C'était les années cinquante, la famille ne roulait pas sur l'or, loin s'en faut, mais ce qui frappe avant tout c'est la chaleur humaine, la tendresse de chacun, l'effervescence permanente dans la maison et les trésors d'imagination pour s'en sortir.
Le petit Michel est curieux, il aime se tenir sous la table, écoutant des conversations qui ne sont pas pour lui. La plupart du temps il est dans les jambes des femmes, en premier lieu sa mère, la belle Nana, sa grand-mère Tremblay, sa tante Robertine, ses deux cousines. Le père est souvent absent , mais il sait calmer les chicanes quand il le faut et rassurer Michel en cas d'orage.
Entre l'amour de la mère pour Luis Mariano, des chaussures neuves supportées pour ne pas la contrarier, un cadeau de noces de fortune et la preuve irréfutable de l'existence du Père Noël, l'auteur égrène quelques épisodes qui ont marqué son enfance pour notre plus grand bonheur. En lisant, j'avais l'accent québécois dans l'oreille, ce qui rendait les histoires encore plus délicieuses. J'ai dû aller chercher l'explication de certains mots sur le net, assez peu au final.
Première lecture de Michel Tremblay, me voilà (très) séduite et prête à continuer.
"L'hiver y fait trop frette, pis l'été y fait trop chaud. Moé, j'me contenterais du mois de mai ou ben du mois de septembre à l'année ! Y paraît qu'au Paradis terrestre, là, c'était le mois de septembre à l'année ! Y avait tout le temps des fruits, pis tout le temps des légumes ! Y pouvaient en manger du frais à l'année longue, les chanceux ! Tiens, ça veut même dire, Nana, que quand t'es venue au monde, un 2 septembre, y faisait la même température qu'au Paradis terrestre !".
L'avis de Mango
Lecture commune autour de l'auteur dans le cadre de Québec en septembre 2013 avec Claudia Lucia Cryssilda Denis Grominou Jainaxf Karine Yueyin
Michel Tremblay - Bonbons assortis - 153 pages
Babel - 2010