L'envol du héron
"Je suis toujours assise au bord de mon lit. Des rames souterraines traversent mon corps de frissons depuis la plante de mes pieds jusqu'à la racine de mes sourcils. Dehors, le nombre d'oiseaux qui se sont réveillés s'est accru. Je ne dormirai plus. Je ne suis plus fatiguée, je suis épuisée. Epuisé, c'est bien plus que fatigué. Où ai-je lu cela ? Dans ma tête bruissent des bribes de mon ouvrage sur le sommeil, telles des voix d'oiseaux chanteurs qui s'éveillent. Dans l'épuisement, n'y a-t-il pas aussi la possibilité de puiser, non dans la plénitude, mais dans un vide ? Peut-être l'insomnie est-elle l'état qui convient à l'homme ?".
Trois personnages principaux dans ce nouveau roman de Katharina Hagena. Ellen, la narratrice, somnologue, elle se remémore les évènements du passé au cours d'une nuit d'insomnie ; Marthe, vieille femme grise et terne, venue d'on ne sait où, observatrice discrète et attentive ; Andréas, ami d'enfance d'Ellen, facteur, collectionneur de petits bouts de papier en tout genre, il ne parle plus depuis longemps, les lèvres scellées par de vieilles histoires.
Sans toujours le savoir, ces trois personnages sont liés par un quatrième, Lutz, grand absent, disparu sans laisser de traces dix-huit ans auparavant. C'est à cette époque qu'Ellen a quitté le village pour aller vivre à Dublin, elle y a fait connaissance de Declean, chanteur rock, et Orla est née, loin du pays d'origine de sa mère.
La relation d'Ellen avec Declean s'est étiolée et elle a choisi de revenir à Gründ, avec Orla. Tant d'années après, le passé va se rappeler à son bon souvenir, les secrets remonter à la surface avec leur lot de souffrances et de déchirements.
J'ai du mal à saisir un fil pour résumer ce roman, la narration est brouillonne, je risque de l'être aussi. Au début, on ne sait pas qui parle, ni à quelle époque nous nous trouvons, heureusement on se repère assez vite, mais je dois avouer que je n'ai pas retrouvé le charme délicieux du "goût des pépins de pomme". Il y a des pages magnifiques sur la nature, notamment à travers Marthe. Les réflexions d'Ellen sur le sommeil et surtout son absence, sont fort variées, instructives, drôles, savantes, mais l'ensemble manque de chair et de chaleur. En fait, ce sont les personnages secondaires qui m'ont paru les plus sympathiques et que j'aurais aimé connaître davantage, Joachim et Heidrun notamment, les parents d'Ellen. Le récit est ponctué par la lente dégradation de Heidrun, qui perd d'abord la tête et puis sombre dans un coma interminable. Joachim dirige une chorale et fait répéter un chant de Dowland pour Heidrun, ancienne flûtiste de talent.
C'est tout de même une lecture agréable, qui vire au sombre dans les derniers chapitres, c'est dommage qu'il y manque un je ne sais quoi pour lui donner un peu plus de nerf.
"Goethe dit quelque part que, dans la respiration, il y a une double grâce. La première quand Dieu vous presse, et la seconde quand il vous relâche."
Un coup de coeur pour Clara (merci !)
Mélo est perplexe
Ne manquez pas le billet d'Ariane, qui en profite pour évoquer la grenouille-taureau, animal très présent dans le roman.
Katharina Hagena - L'envol du héron - 291 pages
Editions Anne Carrière - Août 2013