Le goût des pépins de pomme
Trois générations de femmes, une maison et un jardin dans le nord de l'Allemagne, le décor est planté. D'abord la grand'mère Bertha et sa soeur Anna, partie trop jeune. Puis les trois filles que Bertha a eues avec Hinnerk Lünschen, Inga, Harriet et Christa, et enfin Iris la petite-fille, celle qui raconte l'histoire.
Bertha vient de mourir et à la surprise générale, elle lègue sa maison à sa petite-fille plutôt qu'à l'une de ses filles. Iris, embarrassée par ce legs inattendu, va rester quelques jours sur place sous prétexte de régler la succession, en réalité pour renouer avec les souvenirs liés à la maison, tenus à distance depuis pas mal d'années.
Il y a beaucoup de tendresse dans ce roman, de la cruauté aussi, de la peur, de la ruse, de la rosserie, mais tellement de vie et de chaleur. Il y a un ton indéfinissable entre mélancolie et bonheur perdu qui m'a ravie. La narratrice nous révèle assez vite que Rosemarie, la cousine d'Iris est morte là, l'année de ses 16 ans et c'est tout ce qui a amené à ce drame qu'elle va se remémorer pendant ces quelques jours.
Cette plongée dans le passé est rendue plus légère grâce à l'éclosion d'une relation amoureuse entre Iris et Max, le petit frère de Mira, grande amie de Rosemarie. Max, maintenant adulte, devenu avoué et chargé de régler la succession Leur histoire naissante est ponctuée de touches d'humour et de gaieté
"Nous avons fait comme si nous nous tenions face à face, tranquillement, sur le plancher des vaches, tâchant d'osciller le moins possible tout en pédalant vigoureusement sous l'eau pour ne pas couler. En même temps, je me creusais la cervelle afin de trouver au plus vite un sujet qui nous permît d'engager une conversation cordialement distanciée. J'étais nue comme un ver et lui, là, c'était mon avoué."
L'histoire de chaque personnage est explorée à tour de rôle, Bertha, absente à elle-même depuis bien longtemps, Inga porteuse d'électricité parce que née un jour d'orage, Harriet et ses excentricités, Christa, la mal-aimée de ses soeurs, parce que préférée du père .. A la génération suivante, les relations sont tout aussi riches entre Iris, sa cousine Rosemarie, et Mira son amie.
Et puis, il y a la redécouverte par Iris de la maison, pièce après pièce, et du jardin, plante après plante et c'est un vrai régal. Je l'avais devant mes yeux cette maison, j'en sentais la chaleur des chambres, les contours, les méandres, le désordre, la beauté, la froideur des dalles, la présence des absents .. un personnage à part entière.
"Entre les groseilliers et les mûriers buissonnants, le potager prenait une allure plus sauvage. Mais cette partie du jardin était déjà complètement tapie dans l'ombre. Au delà s'étendait le bosquet de pins. Le sol y était de couleur rouille, nappé d'une épaisse couche d'aiguilles de pins. Le pas, dès que l'on marchait dessus, se faisait élastique, silencieux, et l'on avançait, comme ensorcelé, jusqu'au moment où l'on débouchait de l'autre côté, sur le grand pré planté de fruitiers. Autrefois, nous tendions, Rosemarie, Mira et moi, de vieux rideaux de tulle entre les arbres, et c'est là, dans ce que nous considérions comme nos maisons de fées, que nous jouions de longs et complexes drames d'amour".
Les hommes ne sont pas absents de l'histoire, même s'ils sont au second plan. Hinnerk, le mari de Bertha avait une forte personnalité qui a pesé lourd sur la maisonnée. Le père de Rosemarie ne fait que passer, puis réapparaît fugitivement dans une scène cruelle. Et bien sûr, Max, qui apporte son point de vue (et son affection !) aux évènements passés.
Après un démarrage un peu lent, j'ai été très séduite par ce roman et l'ai savouré page après page.
Et comme il ne faut pas garder les bonnes choses pour soi, j'en fais un livre-voyageur. Pour celles (et ceux) qui seraient intéressées, il suffit que je vous connaisse et que vous me le fassiez savoir par mail ou dans les commentaires.
L'avis de Ptit Lapin.
Elles n'ont pas fait de billet, mais Autour du puits et Enitram l'ont énormément aimé.
Katharina Hagena - Le goût des pépins de pomme - 268 pages
Editions Anne Carrière - 2010