UN SIECLE DE NOVEMBRE
LU DANS LE CADRE DU PARTENARIAT BLOG O BOOK ET LE LIVRE DE POCHE
"A l'automne 1918, le magistrat Charles Marden juge les hommes et cultive ses pommes parmi les indiens et les pionniers de l'Ile de Vancouver. Mais les grands maux de l'humanité le frappent de plein fouet : sa femme, Laura, est emportée par la grippe espagnole et son fils, le caporal William C. Marden disparaît dans la mêlée des Flandres. Désormais seul au monde, Charles Marden entreprend un périple fou pour trouver l'endroit où la mort a fauché son fils. Dans sa quête, il apprend qu'une jeune femme le devance de peu sur les routes." (4e de couverture).
Ce roman est tout simplement remarquable et d'une puissance qui m'a laissée un peu étourdie à la fin, prise comme je l'étais dans les sensations et les descriptions terribles des humains et paysages ravagés par la guerre.
Sous le choc de la mort de sa femme un mois auparavant, Charles Marden se met en route sans se poser de questions dès qu'il apprend le décès de son fils. Cette mise en mouvement lui est indispensable pour ne pas sombrer complètement et il a un besoin viscéral de voir le lieu où William est mort.
Bien sûr, il sait que les champs de bataille sont interdits aux civils, mais peu lui importe, il faut qu'il y aille. Le récit de son voyage jusqu'à Londres est déjà très prenant. C'est là qu'il va apprendre la fin de la guerre et qu'il commence à mettre ses pas dans ceux de son fils, espérant être au plus près de ses sensations.
"Le banc a beau être dur et froid, je me sens, pour la première fois depuis mon départ ... en paix ? Tranquille ? Il n'y a pas de mot pour décrire ce que j'éprouve. Jusqu'à ce que l'étau se relâche, je n'avais pas pris toute la mesure de ma solitude. Le chagrin m'enserre, m'encercle, et pourtant je suis chez moi ici, où le siècle me réclame. Dans le coin, un homme à la tête en forme de cartouche tousse à s'en fendre l'âme, mais personne ne pleure, personne ne gémit, personne ne sanglote."
Il parvient en France, franchit tous les obstacles et par étapes successives gagne peu à peu les lieux où les combats viennent juste de s'arrêter. Pendant ce périple, il songe à la relation qu'il avait avec son fils unique, empreinte de gêne et de timidité et le souvenir de sa femme Laura, vient le retrouver. Le rappel régulier de la présence d'une jeune femme qui le précède, ajoute un élément de mystère à sa recherche.
Mais ce qui m'a fortement marquée, c'est la description de toute la région où les combats ont fait rage, l'état du paysage, les dangers omniprésents, les gaz, les obus, la boue, les cratères .. j'ai parfois oublié que j'étais dans un roman, tellement la réalité est crûment rendue. Et tous ces "pélerins" à la recherche des leurs, silhouettes errantes et silencieuses .. difficile de les oublier.
"Dès cet instant, Marden fut persuadé qu'Elaine Reed se trouvait quelque part dans le saillant, que chercher Billy, c'était désormais la chercher, elle. Sa conviction ne s'appuyait sur rien de concret ni d'objectif, du moins au début. Mais le saillant, comprit-il rapidement, était un lieu riche en présages, en augures et en prémonitions, cent fois plus forts à l'intérieur qu'à l'extérieur. Et pourquoi pas ? Sur le front, la ligne de démarcation entre la vie et la mort avait été plus ténue que jamais auparavant, tous lieux confondus. S'il y avait un seul endroit où les communications entre le monde des vivants et celui des morts étaient possibles, c'était forcément celui-ci. Il s'était toujours montré sceptique envers les messages d'outre-tombe, mais, peu après sa descente de l'autocar à Poperinghe, il fut converti, jusqu'au plus profond de son être."
En dépit de la noirceur du sujet, il y a beaucoup de vie dans ce roman et la dernière scène, qui se déroule dans un univers dantesque, est porteuse d'un espoir insensé qui devient le nôtre.
Une très belle surprise.
L'avis de A propos de livres
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W.D. Wetherell - Un siècle de novembre - Livre de Poche - Novembre 2008