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3 janvier 2019

Le pèlerin de Shikoku

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"Lorsque, après une longue marche, j'arrive sans transition au coeur d'un site magnifique, au sommet d'une montagne qui abrite plusieurs temples majestueux, mes sens aiguisés sont à fleur de peau. Je suis un organisme extrêmement sensible quand je franchis la porte d'enceinte du temple, j'en perçois d'autant plus la beauté et toute la subtilité. Tout me semble judicieusement disposé. La pagode, les sculptures, les lanternes sont à leur juste place et, à chaque fois, cette acuité déclenche un choc esthétique. Il y a là une parfaite harmonie entre la nature et ce qu'ont construit les hommes, ces derniers n'ayant sans doute pas bâti ce temple à cet endroit par hasard, même si j'ignore souvent les motivations profondes qui les ont poussés à le faire précisément là."

J'ai déjà eu l'occasion de vous parler du pèlerinage de Shikoku, une île du Japon, ici. Pour mémoire 1200 kilomètres, 88 temples, une marche de 40 jours à raison de 35-40 kilomètres par jour. J'ai retrouvé avec grand plaisir les impressions de ma précédente lecture. L'auteur s'est lancé seul dans ce périple, avec une certaine inquiétude au début sur son aptitude à aller jusqu'au bout, puis avec de plus en plus d'aisance et de bonheur.

L'île réserve des contrastes importants, entre les marches dans les forêts de bambous, les escaliers pour grimper aux temples, le bord de mer parfois caché par de hauts murs censés protéger des tsunamis, mais aussi des zones très urbanisées sans beaucoup d'intérêt.

L'auteur respecte les rites boudhistes ou shintoïstes en vigueur et explique l'origine historique des temples. Il est lui-même très respecté par les Japonais qu'il rencontre, faire le pèlerinage dans sa totalité est particulièrement bien vu et digne d'attention. Sa tunique blanche et son bâton le signale sans conteste comme un "henro" et on lui offre régulièrement des victuailles sur le chemin, c'est la tradition.

L'auteur décrit très finement les paysages qu'il traverse, auxquels il est de plus en plus sensible. Il fait corps avec la nature et n'est jamais plus heureux qu'en marchant seul dans une forêt de bambous. Il aimerait que son périple ne se termine pas.

Il est tout aussi sensible aux liens qu'il noue avec des pèlerins comme lui qu'il retrouve au gré des étapes et qui le familiarise avec le style de vie des Japonais. Les haltes du soir sont souvent un régal, avec les bains traditionnels ainsi que l'accueil, en général fait par de vieilles personnes aux petits soins, avec des repas minutieusement composés.

L'auteur ne cache pas pour autant ses difficultés surtout les premiers jours où il a eu les pieds dans un état lamentable. Il y a les jours de mauvaise humeur où rien ne se passe comme prévu, les intérieurs japonais où l'on vit au ras du sol le mettent parfois au supplice, mais de jour en jour il s'aguerrit jusqu'à ne plus sentir les protestations du corps.

Le récit est ponctué des haïkus de Taneda Santoka :

Mouillé de rosée
Matinale, je vais
Par où je veux

"En chemin, une femme m'interpelle d'un "osettai* !" plein de promesses ; elle file dans sa cuisine et en ressort avec quatre boules de riz parfumé encore chaudes, soigneusement enveloppées dans un papier décoré de motifs floraux. Je les glisse dans ma besace en la remerciant. Aujourd'hui, je n'ai pas trop envie du traditionnel pique-nique en bord de chemin ; j'ai repéré sur la carte, plus loin, un restaurant dont les udon* constituent la spécialité. Au cas où celui-ci serait fermé, il y en a un autre, tout près d'Iyadaniji. Je mangerai le cadeau de cette femme plus tard, peut-être demain. C'est là un des mystères du pèlerinage : les choses arrivent souvent au bon moment, mais on ne s'en aperçoit pas tout de suite. Un quart d'heure plus tard, je tombe sur une porte close au restaurant d'udon et, un kilomètre plus loin, l'auberge près du temple est fermée elle aussi. Il n'y a aucun kombini* à proximité sur lequel se rabattre".

Un indispensable et un coup de coeur.

* Ossetai : tous les cadeaux ou offrandes destinés aux pèlerins qui peuvent l'aider dans son entreprise
* Udon : nouilles de farine de blé tendre, spécialité de la Préfecture de Kagawa
* Kombini : tout type de magasin d'alimentation

Biographie de l'auteur ici

Thierry Pacquier - Le pèlerin de Shikoku - 249 pages
Editions Transboréal - 2018

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Commentaires
A
A noter pour monsieur qui adore ce genre de récits. Merci pour ton coup de coeur Aifelle ! Ce bilan s'annonce très dépaysant, foisonnant, etc... je suis ravie.
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P
Je me souviens de" la feuille de thé...". Que tout cela est inspirant et lire ces expériences magnifiques est moins difficile pour nos petits petons... MERCI Aifelle, j'aime infiniment ces lectures, elles me propulsent sur de merveilleux nuages. Bises. brigitte
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A
Une lecture qui m'a l'air pleine de sagesse bouddhiste.
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K
De loin je croyais à un Transboreal, ça se ressemble.<br /> <br /> Les haikus, j'aime bien
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A
Oh ça doit être bien, et si en plus le livre est parsemé de haïkus...
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