Quelle n'est pas ma joie
"Quand je l'ai rencontré, c'était ton mari, et je n'imaginais pas que cela puisse changer un jour. Nos idées sont les plus bornées qui soient, même si on croit le contraire, mais j'en sais assez sur moi-même pour affirmer qu'il ne m'est jamais venu à l'esprit que je finirais par dormir dans le même lit que Georg. L'homme que j'aimais avait un autre corps et un autre nom. Je ne peux pas m'imaginer à quoi Henning aurait fini par ressembler, tout comme je ne peux pas te voir autrement que comme la jeune femme à qui j'ai dit au revoir un matin, dans un hôtel des Dolomites. Je n'avais aucune raison de penser qu'il puisse s'agir d'un adieu".
Ellinor, la narratrice, a 70 ans et vient de perdre son mari, Georg. Dans cette période de flottement, elle écrit à Anna, la première femme disparue de Georg, lui racontant la vie qu'elle a eue avec lui.
Ellinor est issue d'un milieu pauvre, avec le poids d'une origine honteuse sur les épaules. Elle s'est éloignée de ce milieu dès qu'elle a pu et s'est ouverte à un autre monde en rencontrant Anna, jeune femme brillante et joyeuse. Anna était mariée à Georg et a eu deux garçons de lui. De son côté, Ellinor s'est mise en couple avec Henning, un homme rassurant et apaisant.
C'est lors d'un séjour de ski qu'Anna et Henning disparaissent, emportés par une avalanche. Ellinor apprend qu'ils étaient amants. Elle n'avait rien soupçonné.
Ellinor et Georg vont continuer à se voir et à discuter le soir, jusqu'au moment où leurs sentiments d'amitié vont se transformer et où ils vont devenir à leur tour un couple.
Ellinor s'adresse à Anna sans aucune aigreur, c'était sa meilleure amie, elle ne l'a pas oublié. Lui écrire lui permet de clarifier ses sentiments, de faire une sorte de bilan de sa vie et de s'alléger peut-être de tout ce qui lui pèse.
Au grand dam des enfants de Georg, elle décide de vendre la maison qu'ils occupaient et de retourner dans le quartier de son enfance. Pour l'aîné, c'est une régression sociale et il lui fait sentir qu'elle n'a jamais vraiment été de leur monde.
Ellinor est blessée par cette attitude et se demande ce qu'elle a réellement représenté pour les garçons. Seule dans son nouvel appartement, elle est submergée par le chagrin et la perte. Elle remonte le temps, examine tout ce qui lui est arrivé, là où elle en est, le pourquoi de son retour dans son vieux quartier. Georg lui manque cruellement.
Ellinor n'est pas quelqu'un qui pleure sur son sort, elle vit simplement ce qu'elle a à vivre, l'histoire que je vous raconte pourrait être plombante, mais ce n'est pas du tout le cas, Ellinor a du ressort, elle évoque le passé avec beaucoup de justesse et d'empathie. Au fond, elle sait ce qu'elle doit lâcher et quelle direction prendre pour s'approprier le reste de sa vie.
Un auteur que je n'avais pas encore abordé et qui me donne très envie de continuer avec lui.
Jean-Christian Grøndahl - Quelle n'est pas ma joie - 160 pages
Traduit du danois par Alain Gnaedig
Gallimard - 2018