Les fausses innocences
"Qu'est-ce donc que cet entêtement de la nature humaine à piétiner ce qui s'offre pour courir après ce qui se refuse".
Roger, bourgmestre d'un petit village des cantons de l'Est (frontaliers de l'Allemagne), n'a jamais aimé que Mathilda. Mathilda qui en a épousé un autre, André, le médecin. Un matin, elle vient déclarer à la mairie la mort d'André la veille, dans un accident de voiture, côté allemand.
Roger sait qu'elle ment, pour la bonne raison qu'il a ramené lui-même André la veille au soir au domicile conjugal. André venait de lui avouer qu'il quittait Mathilda, ce que ne pouvait pas accepter Roger. La conclusion qui s'impose est que Mathilda a tué André.
En fait, l'histoire va se révéler nettement moins simple qu'il n'y paraît, d'où le titre bien choisi. Les coupables et les innocents ne sont pas exactement là où l'on pense. L'intrigue est sombre, de plus en plus sombre et Roger est déchiré entre son devoir de bourgmestre et son désir de protéger coûte que coûte Mathilda.
Il vit seul avec sa mère, une vieille femme acariâtre, jamais contente de rien et surtout pas de son fils. Le noeud de l'histoire se situe pendant la guerre, lorsque Roger était absent, prisonnier des Russes. Son frère avait choisi la résistance, lui, en citoyen obéissant s'était laissé enrôler dans la Vehrmacht. Mathilda, toute jeune femme, était arrivée d'Allemagne quelques mois auparavant et avait été accueillie comme une fille par la mère de Roger. A son retour, elle était mariée avec le docteur, il n'a jamais vraiment su ce qui s'était passé.
La mort d'André l'obligera à remonter le temps et à se pencher enfin sur ce qui s'est tramé ces années-là.
Le mois belge d'Anne est l'occasion de découvrir des auteurs et j'ai eu la main heureuse avec Armel Job. J'ai apprécié la construction du roman où les fils se dénouent peu à peu, pas vraiment dans le sens où je m'y attendais. Il décrit une communauté de villageois où chacun se cotoie, se méfie, connaît peu ou prou les secrets des voisins, mais se tait. L'histoire récente pèse encore lourd sur chacun, les passions humaines font le reste.
Un auteur que je n'hésiterai pas à relire.
Lecture commune autour d'Armel Job, avec Anne Argali Kathel
Armel Job - Les fausses innocences - 216 pages
Editions Robert Laffont - 2005