A la grâce des hommes
"Toute la vallée savait que Fridrik rêvait de délester Natan d'une partie de ses biens. Mais quand la police m'a interrogée, quand ils ont compris que j'avais la tête sur les épaules, ça ne leur a pas plu. Femme qui pense n'est jamais tout-à-fait innocente, vous comprenez ? On ne peut pas lui faire confiance. Voilà la vérité, que ça vous plaise ou non, mon révérend !"
Voilà un roman qui m'a transportée sans coup férir dans l'Islande du XIXe siècle, dans une vallée dure aux habitants, pauvres et sous l'influence implacable de la religion protestante.
Le personnage principal, Agnès Magnúsdóttir, est une jeune femme de 28 ans, condamnée à mort pour le meurtre de son amant. Un autre homme, Fridrik est également condamné et une servante graciée.
Plutôt que de laisser Agnès en prison, le commissaire de police décide de la confier à une famille de fermiers, laquelle n'a guère le choix et est obligée d'accepter, à contrecoeur. Un pasteur devra la rencontrer tous les jours pour l'inciter à prier et à se repentir en attendant son exécution.
Margret, Jon et leurs deux filles sont horrifiés à l'idée de recevoir une telle meurtrière, ils s'en font une idée quasi-démoniaque. Bien sûr, les choses ne se passeront pas tout-à-fait comme prévu. Passées les premières préventions, des liens se crééront, une forme de compréhension se fera jour et il s'avèrera qu'Agnès n'est peut-être pas la sorcière annoncée. Quant au pasteur chargé du suivi d'Agnès, il est jeune et inexpérimenté et la mission qui lui incombe le bouleversera durablement.
Ce que j'ai préféré dans ce roman, c'est la description de la vie quotidienne des fermiers à cette époque. L'image du badstofa où la famille vit et dort dans une pièce unique me restera en mémoire. Aucune intimité, des atmosphères enfumées et insalubres, un travail de bête et aucune perspective d'en sortir un jour. Ne parlons même pas du climat, terriblement difficile dans ces contrées. Bienheureux sont ceux qui mangent à leur faim.
L'évolution d'Agnès est intéressante à plus d'un titre. Elle est victime deux fois, en tant que pauvre, née avec la mauvaise mère, et femme dans une société où elles ne sont rien. Tous les rouages se sont mis en place pour sa perdition.
Une lecture captivante, que je conseille vivement.
L'auteure, australienne, a des origines islandaises et s'est beaucoup documentée avant d'écrire ce livre. Elle s'est inspirée d'une histoire vraie, celle de la dernière condamnée à mort islandaise.
Hannah Kent - A la grâce des hommes - 444 pages
Traduit de l'anglais par Karine Reignier-Guerre
Editions Pocket - 2016