Nuit de septembre
"Tu ris presque autant qu'avant. Si tu reviens trois ou quatre mois en arrière, si tu compares, alors c'est vrai, tu dis à peu près autant de bêtises qu'autrefois.
Cependant, lorsque de bonnes nouvelles se profilent - puisqu'elles existent toujours, dirait-on, les bonnes nouvelles - tu ne sais que faire de la liesse qui te vient. La dynamique des fluides a perdu ses chemins, comme si la joie donnée ne pouvait fouir plus loin que la surface de ta cervelle et de ta peau. A l'intérieur, pas très profond, deux millimètres, le système est pris dans les glaces".
Il est des livres que l'on n'ouvre pas le coeur léger, des livres dont on sait qu'ils nous toucherons profondément, des livres dont on devine toute la force qu'il a fallu aller puiser en soi pour les écrire.
Celui-ci en fait partie, l'auteure y relatant les mois qui ont suivi la mort de son fils de vingt-et-un ans, mort d'autant plus indicible que le jeune homme a choisi de s'arrêter là.
Ne craignez ni l'impudeur, ni le voyeurisme, ni la plainte dans ce court récit, il n'y a en pas. Tout juste saurons-nous le prénom du garçon à la fin du livre. Il s'agit plutôt de continuer à vivre avec ceux qui sont là, le compagnon, les deux filles et puis l'entourage, quelquefois maladroit, parce que dépassé par l'inimaginable douleur qui lui fait peur.
L'utilisation du "tu" par la narratrice met le plus difficile à distance, mais la plume sensible et poétique d'Angélique Villeneuve nous cueille au détour d'une phrase, l'émotion surgit soudain de ce qui est dit en filigrane. La sidération des premiers jours, les pauses interminables dans la chambre du jeune homme, les images que l'on voudrait oublier, les savons gardés précieusement dans la salle de bain, l'absence de mot pour désigner un parent qui perd son enfant.
Puis il y aura les réminiscences, les questionnements inévitables, les chansons d'avant qui reviennent, la nature qui est toujours là, l'importance des arbres, des rencontres, des gestes quotidiens.
C'est étrange de dire d'un tel livre qu'il est plein de douceur, de moments lumineux, de beauté, pourtant c'est bien l'impression qu'il me laisse, c'est un livre qui peut parler à chacun d'entre nous, tellement il va au delà du deuil et du chagrin de l'auteure. Un témoignage précieux.
L'avis de Antigone Cathulu Clara Gwenaëlle Sylire
Angélique Villeneuve sera présente au salon du livre de Caen "Epoque" les 28 et 29 Mai. Elle participera à un débat le 28 Mai "A hauteur d'enfant" avec Gaëlle Bantegnie et Isabelle Desesquelles.
Angélique Villeneuve - Nuit de septembre - 155 pages
Editions Grasset - 2016