Corps variables
"Patient Q. Interné pour évaluation le mois dernier. Admis à l'UMD avec une psychose paranoïde et de graves troubles conceptuels. Nom et identité inconnus. Soutient être un universitaire du nom de Nicolas Slopen, mort l'an dernier dans un accident de la route. Hospitalisé par procédure d'urgence suite à des faits de harcèlement et de menaces dirigés contre l'épouse du défunt".
Le narrateur, Nicolas Slopen, est un universitaire spécialiste des écrits de Samuel Johnson, marié à Léonora et père de deux enfants. Il est contacté par Hunter, riche collectionneur, qui lui demande d'authentifier des lettres de Johnson, certaines connues, d'autres inédites.
Après une préface intrigante, nous faisons donc la connaissance de Nicolas Slopen, ou en tout cas de l'individu qui revendique son identité. Voilà un roman qui nous entraîne dans une histoire vertigineuse, hallucinante, qui tend vers le fantastique et la science-fiction. Il m'a fait passer par différents états, oscillant entre je déteste ou j'aime selon ma progression.
Eliminons tout de suite le négatif. Le thème du livre m'a mise mal à l'aise, je déteste tout ce qui a trait à la manipulation de l'être humain, d'autant plus que certains passages me paraissaient très obscurs. J'ai tenu bon et je ne l'ai pas regretté parce que j'ai dévoré les cent dernières pages avec un intérêt grandissant.
Le narrateur est-il fou ? fabulateur ? Qui sont ces mystérieux interlocuteurs qui l'utilisent ? Sa curiosité intellectuelle, son orgueil, mais aussi la débâcle de son couple, vont l'emmener jusqu'en Russie, en compagnie de la troublante Vera. Il est préférable de ne rien dire de plus, puisque le grand intérêt du livre est de nous laisser dans la confusion un certain temps, avant de découvrir pas à pas ce qui est réellement arrivé à Nick. La construction du roman est brillantissime, tournant autour du vieux rêve de découvrir une façon de se survivre, posant de multiples questions sur les connections corps-esprit. J'ai réévalué plusieurs fois ce que je pouvais penser de Nicolas Slopen, qui devient de plus en plus attachant.
Je suis loin du coup de coeur de "Au nord du monde", le thème ne m'a pas autant accrochée, mais c'est une réticence toute personnelle.
Cathulu l'a aimé sans restriction. Sandrine aussi.
Merci à Dialogues croisés
Marcel Theroux - Corps variables - 333 pages
Traduit de l'anglais par Stéphane Roques
Plon "Feux croisés" - 2015