Le caillou
"Je prends mon temps pour boire mon eau gazeuse. Monsieur Colombani ne décolle pas de son tabouret, les deux jeunes hommes non plus. Leur verre vide, ils font un signe à Noël pour qu'il les resserve. Privés de cordes vocales, le un pour cent de la séquence ADN qui nous distingue du singe ne joue plus. Mais peut-être que c'est raciste de dire ça. Et je ne suis pas raciste, même si je suis restée longtemps sans voir la gueule de l'autre. En tout cas, quand j'ai besoin d'un bouc émissaire, je me regarde dans la glace et je le trouve".
La narratrice, une jeune parisienne désoeuvrée et paumée, se retrouve en Corse grâce à un vieux voisin décédé, Bernard, dont elle ne sait quasiment rien. A cause d'un amour malheureux, elle veut devenir aussi minérale que la pierre qu'elle sculpte inlassablement, parmi des Corses très attachés à leur île, à ses traditions, et noyés dans l'alcool.
Voilà un premier roman déconcertant, au ton original et décalé. La narratrice vit volontairement en marge de la société et porte sur elle un regard aiguisé. Son départ pour la Corse va lui faire rencontrer des personnages tout aussi originaux, capables de l'accepter comme elle est, sans entraver son obssession de sculpture.
Un changement de situation en dernière partie du roman nous précipite dans la vieillesse et ses affres. La narratrice revient sur les rendez-vous manqués de son existence, l'inadaptation de certains à la société telle qu'elle fonctionne, éclairant différemment toute l'histoire.
Si l'on accepte l'étrangeté de la narration, on se laisse emporter facilement par l'imagination de l'auteure et sa petite communauté de blessés de la vie. Derrière l'étrangeté, la réflexion est là, le roman peut être lu à plusieurs niveaux, selon son envie et son état d'esprit.
Au final, un premier roman prometteur.
L'avis de Yv
C'est une lecture commune avec Evalire Jérôme Noukette Philisine Cave Une Comète Zazy
Sigolène Vinson - Le caillou - 195 pages
Editions Le Tripode - Mai 2015