Tartes aux pommes et fin du monde
"Un des plus gros problèmes était que Carole avait toujours quelque chose à dire et moi jamais rien à répondre. Cela devrait suffire pour qu'un homme et une femme comprennent qu'ils ne sont pas faits l'un pour l'autre et qu'ils feraient mieux d'en rester à quelques galipettes grossièrement exécutées sous les draps".
En refermant "La dictature des ronces" je savais que je ne tarderais pas à lire le premier roman de l'auteur. J'ai fait encore plus vite que prévu, pressée de retrouver la tendresse et la mélancolie de ses personnages, trentenaires paumés et perdus dans un monde qui ne leur fait pas beaucoup de place.
La première faille dans l'enfance du narrateur a été la mort du chien Bobby, qui ne voulait pas voler, suivie de près par le départ de la mère avec "un type qui ne disait jamais grand-chose", précipitant le père dans la bouteille. Les baffes ont voltigé plus souvent, le narrateur et sa soeur ont dû apprendre à les esquiver et à se débrouiller.
Après il y a eu les petits boulots alimentaires sans grand intérêt, puis la rencontre d'Alice, grâce à une boîte de maquereaux. "C'est ce soir-là que j'ai embrassé Alice pour la première fois. Si ce baiser avait été un cocktail, je l'aurais appelé "lèvres douces parsemées de petites graines d'espoir". La vie est devenue belle, jusqu'au jour où Alice a reculé devant l'amour qu'il lui offrait, sans explication, le renvoyant à sa solitude et à son insignifiance. Alors, il a acheté un révolver qui ne l'a plus quitté, c'est devenu son nouveau compagnon, aussi attachant semble-t'il qu'une personne et plus rassurant.
Là, l'auteur nous donne des sueurs froides, on se demande à chaque page jusqu'où va aller ce compagnonnage bizarre, surtout avec un jeune homme dépressif qui va de déconvenue en déconvenue. Le ton est léger et décalé, contrairement au fond qui n'occulte pas les difficultés de la société actuelle, c'est ce qui contribue sans doute au charme du livre. Un autre de ses charmes tient aux personnages qui gravitent autour du narrateur, sa propriétaire qui lui fait cadeau des fameuses tartes aux pommes, son copain Arny, grand amateur de maquettes d'avions, Alice l'amour perdu, la soeur championne du poulet au citron, le père qui n'est pas un mauvais bougre au fond et bien d'autres.
La vie ordinaire est finement observée, on peut se reconnaître dans une scène ou une autre, le jeune homme nous entraîne dans ses dérives, mais aussi dans ses rêves, pleins de poésie et de fantaisie.
Un dernier extrait
"J'ai donc posé le canon contre ma tempe, et j'ai fermé les yeux. J'avais vu faire ça dans les films, comme s'il était préférable de fermer les paupières pour ne pas assister à sa propre mort. Mon flingue n'était pas chargé, mais il déclenchait en moi de minuscules tempêtes".
Il ne me reste plus qu'à attendre le prochain roman, mais je peux explorer maintenant les recueils de poésie. Vous entendrez à nouveau parler de Guillaume Siaudeau sur ce blog.
L'avis de Anne Clara Jérôme Le Petit Carré Jaune
Guillaume Siaudeau - Tartes aux pommes et fin du monde - 133 pages
Alma Editeur - 2013