"L'autre matin, il y avait sur la table un petit bol qu'il avait fait pendant la nuit pour ne pas perdre la main. Le bol était beau, mais il y avait en lui quelque chose de triste, presque de tordu. J'ai ravalé mes larmes. Aïta m'a dévisagée longuement avant de me dire que c'était une coupe à nostalgie. Et soudain, nous avons été pris d'un fou rire inexplicable qui a fait voler en éclats nos inquiétudes".
1936. Aïta, sa femme Ama et ses trois fils, sont obligés de quitter l'Espagne en catastrophe au début de la guerre et se réfugient dans un premier temps au pays basque français, puis dans les Landes, dans une ferme isolée. Les parents d'Ama ont fui avec eux ; ils seront rejoints plus tard par les oncles, engagés dans la lutte anti-fasciste.
Le déracinement et l'exil sont vécus différemment par chacun d'eux et le récit alterne entre le point de vue des membres de la famille et le journal intime tenu par Ama. La famille a dû abandonner une vie aisée, une position enviable pour un quotidien nettement plus rude et incertain. Aïta se retrouve ouvrier en usine et y use sa santé. Ama, assume toutes les tâches qui incombent aux femmes et doit faire preuve d'ingéniosité pour nourrir et entretenir la famille.
Malgré tout, le couple reste soudé et solide, ne perdant pas de vue que l'essentiel est de rester tous ensemble. Au début, ils sont persuadés qu'ils rentreront bientôt chez eux, puis c'est la guerre sur le sol français également, l'arrivée des Allemands, il faut s'adapter.
Je fais la connaissance de Leonor de Recondo avec ce court roman fluide et sensible et j'ai aimé cette famille très attachante. Le contexte m'a rappelé "Pas pleurer" de Lydie Salvayre lu récemment, même si les deux livres ne sont pas comparables. J'ai été particulièrement touchée par le journal d'Ama, qui libère dans ces pages intimes toutes les tensions accumulées dans la journée ; elle est accablée par les charges qui pèsent sur elle, encore plus lourdes que celles des hommes, habitués à se faire servir.
Mais c'est l'amour qui domine l'ensemble, l'amour indéfectible d'un couple et à cet égard, les dernières pages sont très belles.
Une jolie découverte qui ne s'arrêtera pas là. Je signale que Léonor de Recondo vient de recevoir le 61e Prix des Libraires pour son dernier roman "Amours".
Prix Littéraire des Lycéens et Apprentis de Bourgogne 2013
L'avis de Anne Ariane Clara Luocine Sylire Zazymut
Léonor de Récondo - Rêves oubliés - 192 pages
Points - 2013