La dictature des ronces
"J'ai décidé de m'activer un peu, pour brûler les toxines. Aujourd'hui, le jardin me semblait immense et chacun de mes pas plus lourd. J'avais la sensation de jardiner dans l'espace, livré à moi-même au milieu d'une galaxie oubliée. Un petit vent frais me ramenait régulièrement sur terre. Plus l'après-midi avançait et plus le lopin de terre prenait de l'allure. Femme au réveil il y a encore quelques heures, il venait de surligner ses yeux et d'enfiler sa robe de soirée. Je n'étais pas peu fier de l'effort accompli, d'autant que mon état ne rendait pas la chose aisée".
Je ne peux pas résister à un titre pareil, promesse à coup sûr d'une lecture poétique, avec la nature en toile de fond. Mon instinct a bien fonctionné et ces ronces là m'ont fait passer un excellent moment.
Le narrateur s'ennuie dans sa petite vie un peu en suspens, cloué trop souvent sur son canapé, aussi accueille-t'il avec soulagement l'invitation de son ami Henry à venir passer un mois sur son île, avec pour seule mission d'entretenir le jardin et de promener le chien en son absence.
L'île a une réputation un peu bizarre et le narrateur en a confirmation sur le bateau où une rencontre fortuite avec le maire lui apprend que "les gens qui ont passé trop de temps là-bas sont devenus cinglés". Le fait est qu'il va vivre des expériences étonnantes sur place, un épisode neigeux en plein été, une pluie d'étoiles filantes et autres phénomènes mystérieux. Il rencontre des personnages plus ou moins originaux et bien imbibés, un petit garçon aveugle qui cherche son père, un voisin tout à la fois bienveillant et inquiétant, une bibliothécaire déprimante.
Mais ce qui fait tout le charme de ce roman, c'est l'humour qui le traverse du début à la fin, le côté doux-dingue de l'ensemble et une écriture extrêmement savoureuse. L'auteur nous le dit lui-même en postface, il aime les mots "je ne fais pas de favoritisme. Je les aime tous de la même façon. Ce que je préfère, c'est quand ils viennent dormir avec moi. Quand en début d'après-midi je m'allonge sur la canapé et qu'ils sont tout un paquet, comme des larves dans ma tête. La sieste peut commencer. Nous sommes tous là serrés les uns contre les autres".
Le narrateur va se sentir progressivement revivre sur cette curieuse île, il n'y a pas que dans les ronces qu'il a fait le ménage. Il voit poindre avec appréhension le retour d'Henri et se laisse envahir par quelques pensées dérangeantes.
Vous l'avez compris, une très bonne découverte, que je recommande chaudement. Je n'ai plus qu'à partir en quête du premier roman de l'auteur "Tartes aux pommes et fin du monde".
Le blog de l'auteur ici
Guillaume Siaudeau - La dictature des ronces - 177 pages
Alma Editeur - 2015