Crampton Hodnet
"Miss Morrow n'aurait jamais osé poser à un homme cette question ; il y avait si longtemps qu'elle ne portait plus que le genre de vêtements dont nul n'aurait pu dire du bien sans mentir effrontément. Ses vêtements ne servaient plus qu'à recouvrir son corps de la façon la plus terne possible. Que pensez-vous, Mr. Latimer, de mon ensemble de laine gris avec sa veste déformée et sa jupe d'une longueur démodée ? Et mon chapeau de feutre gris-beige, qu'on peut mettre avec tout et n'importe quoi, comment le trouvez-vous ? Et ce chemisier que j'ai acheté il y a deux ans en solde chez Elliston, démarqué parce qu'il était et est toujours d'un vert que même la plus jolie fille ne pourrait se permettre de porter ?".
Chez Barbara Pym, on est presque sûre de trouver des vieilles filles, des pasteurs, des douairières engoncées dans leurs convenances, les sacro-saints five o'clock, la campagne anglaise, les bonnes manières et évidemment l'hypocrisie qui régit cette petite société fermée sur elle-même.
Ici, Miss Morrow est dame de compagnie de Miss Doggett, une de ces vieilles femmes acariatres, regardant de haut tout ce qui se trouve en-dessous d'elles et écrasant sans vergogne leur entourage, persuadées de détenir la vérité en toute chose, assises sur leurs principes et leur position sociale. Nous sommes à Oxford et plusieurs personnages vont entrer en scène, Mr. Latimer le nouveau vicaire, bel homme qui pourrait tomber amoureux de Miss Morrow et comme il cherche un logement, le voilà hébergé sous le toit de Miss Doggett, flattée d'une telle compagnie.
Par ailleurs, le neveu de Miss Doggett, professeur, se sentant incompris par sa femme, pourrait lui aussi tomber amoureux, d'une de ses étudiantes. Sa fille, de son côté, prépare un possible mariage avec un beau parti. Vous mélangez le tout, et c'est l'assurance que la petite communauté va vivre une saison mouvementée, bruissante de rumeurs et de retournements de situation.
Je pense avoir lu tous les Barbara Pym dans les années 1980, lorsqu'ils ont été réédités par les Editions Christian Bourgois. J'ai eu envie d'en relire un maintenant, pour voir si mes souvenirs de lectures savoureuses et délicieusement féroces étaient exacts. Ils le sont ! J'ai même été surprise d'y trouver encore plus d'humour que je ne le pensais, un humour subtil, qui égratigne sans avoir l'air d'y toucher, et à travers Miss Morrow, une lucidité qui réduit la bonne société paroissiale à ce qu'elle est, une coquille vide, préoccupée avant tout par les apparences. Mais rien de cynique dans sa manière de voir son entourage, simplement le souci d'être au plus près de la réalité et de ne pas être dupe de la comédie humaine, puisqu'elle-même ne s'épargne pas.
Si je peux comparer avec ma lecture d'hier, Barbara Pym, est largement quelques coudées au-dessus. Si vous voulez lire anglais suranné, n'hésitez pas, lancez-vous, vous passerez un bon moment. A noter que la plupart des titres de B. Pym ne se trouvent plus qu'en occasion. A quand une nouvelle réédition ?
C'est une lecture commune, dans le cadre du mois anglais avec Karine Les Livres de Malice Papillon Yoda Bor
L'avis de Lou
Barbara Pym - Crampton Hodnet - 275 pages
Editions 10/18 - 1994