Un printemps à Tchernobyl
"Comment dessiner l'invisible ? J'avais imaginé dessiner des forêts noires, des arbres tordus, décharnés ou monstrueux. J'avais des craies noires, mes encres sombres, mes fusains ... mais la couleur s'impose à moi".
Après avoir lu le roman d'Antoine Choplin "La nuit tombée" et vu le film de Michale Boganim "La terre outragée", j'étais prête à continuer sur le thème de l'après Tchernobyl avec la BD d'Emmanuel Lepage, abondamment commentée sur les blogs.
C'est sur l'invitation d'une association d'artistes engagés contre le nucléaire que le dessinateur se rend à Tchernobyl 22 ans après la catastrophe : "Tchernobyl n'est pas réservé aux scientifiques, aux techniciens du nucléaire, aux journalistes, aux humanitaires, nous aussi nous y avons notre place. Nous croyons que l'artiste est à même de capter l'étrangeté de vivre là-bas et d'en témoigner".
Récit à la première personne, l'auteur nous fait partager ses émotions, ses sensations, ses étonnements. Prêt à affronter un monde catastrophique, il est surpris par la beauté de la nature et sa luxuriance. La mort est tapie là, mais elle ne se voit pas, ne se sent pas, s'est rendue invisible et est d'autant plus dangereuse. Il y a surtout les rencontres humaines avec ceux qui ont décidé de vivre là envers et contre tout, la chaleur des échanges, des moments partagés.
L'auteur est souvent complètement dérouté, ne sachant plus comment rendre compte de cet immense drame, devant la vie qui se manifeste devant lui. Ce n'est pas pour cela qu'il était venu. Par ailleurs, il ne cache rien de ses doutes et de sa peur d'être contaminé.
Les dessins sont magnifiques, une splendeur, qu'ils soient en noir et blanc ou en couleurs, ils collent remarquablement bien au texte et aident à saisir la complexité de la situation là-bas. Une BD de grande qualité, à découvrir absolument.
"La zone. Une terre sans les hommes ... et qui s'en passe. Une terre, en ces jours de printemps, éclatante de beauté, qui pourrait même avoir un air de paradis ... Une terre d'où les hommes sont exclus, se sont exclus ... se sont chassés eux-mêmes ! On raconte que l'homme fut chassé du paradis. A Tchernobyl, c'est l'homme qui se chasse de la terre".
L'avis de Antigone Jérôme Mango Noukette Saxaoul Stéphie
Emmanuel Lepage - Un printemps à Tchernobyl - 164 pages
Futuropolis - 2012