"Jamais je n'ai eu l'intention de vieillir dans ce coin morose, en haut à gauche des quarante-huit Etats. Je voulais juste quitter LA parce que j'étais en rogne, aller panser mon ego grièvement blessé, et quand j'aurais eu senti que tout le monde était navré pour moi, redéployer mes ailes pour revenir me poser sur scène et me lancer dans la phase deux, afin de prouver à tous ces connards qui était la putain de déesse de l'architecture".
Dans une famille classique américaine ... je demande la mère, Bernadette, celle-là même qui a disparu. Brillantissime architecte qui a obtenu un prestigieux prix à 28 ans pour une maison originale, elle ne s'est jamais remise de s'être fait laminer par son voisin, un abruti de milliardaire. Mortifiée, elle va accepter de suivre son mari à Seattle où il vient d'être recruté par Microsoft.
Le père, Elgie, non moins brillantissime cerveau d'informaticien, petit génie de Microsoft, tellement absorbé par son travail qu'il ne prête pas trop attention à la maison où ils vivent, sorte de monstruosité imposante, animée d'une vie propre, où les ronces s'immiscent partout, soulèvent les tapis, où des portes sont murées sur des pièces menaçant ruine ..
L'enfant, Bee, celle qui raconte. Rejeton de deux génies, que croyez vous qu'il lui arrivât ? Surdouée elle aussi. Née enfant bleue, ses débuts dans l'existence ont été douloureux et pénibles, opération sur opération, jusqu'à l'âge de la maternelle. La voilà à quinze ans, plus réfléchie que ses parents, parfaitement intégrée dans une école d'excellence.
C'est un voyage en Antarctique promis en récompense de ses résultats scolaires qui va faire déraper leur vie. Bernadette, associale et farfelue pour ne pas dire complètement dingue, sait qu'elle ne pourra affronter ni le mal de mer, ni la compagnie des autres. Elle cherche des échappatoires plus folles les unes que les autres, jusqu'au jour où elle disparaîtra pour de bon.
C'est Bee qui raconte l'enchaînement de la catastrophe grâce à des documents et des échanges de mails. Il y a tellement de rebondissements et de personnages dans le roman que je me garderai bien d'essayer de vous raconter. C'est très futé, drôle, enlevé, décapant et surtout on ressent une profonde tendresse pour Bee et Bernadette, la malheureuse Bernadette, totalement décalée dans cet univers formaté et corseté. C'est à mourir de rire chaque fois qu'elle évoque les habitantes de Seattle, "les bestioles", particulièrement sa voisine, Audrey Griffin.
La brillante intelligence de Bee ne sera pas de trop pour sortir d'une situation inextricable après un chassé-croisé émouvant en Antarctique et la démonstration que l'intuition et l'amour d'une fille peuvent soulever des montagnes.
Un délicieux coup de coeur.
L'avis de Brize Cathulu Clara Keisha
Maria Semple - Bernadette a disparu - 369 pages
Editions Plon - Feux croisés - 2013