Un lac immense et blanc
"Je ne veux penser qu'à la neige, à toutes les fois où elle m'a laissé le souvenir d'un moment essentiel, mon premier voyage à Ferrare, ce matin dans le Jardin des Plantes, le blanc plateau de l'Aubrac en hiver ou le grand champ de Mme Renée. Ne penser qu'à la neige, un éternel éblouissement".
Ce matin là, la narratrice, Edith, a pris le train de bonne heure, prête à aborder l'inconnu qu'elle voit tous les jours au Café Lunaire, un Italien de Ferrare qui discute avec le serveur en prenant son café. Mais il ne vient pas. Et la neige est tombée sur Paris, l'empêchant de traverser le Jardin des Plantes.
C'est le prétexte pour Edith de se remémorer d'autres paysages de neige, d'autres errances, d'autres hommes, aimés dans le passé. Comme toujours chez Michèle Lesbre, rien de spectaculaire ou de remuant, plutôt une évocation rêveuse de sensations, de souvenirs, de références littéraires, cinématographiques, liés à des voyages réels ou imaginaires.
Ici, l'atmosphère est ouatée, la blancheur de la neige enveloppe la lectrice qui a l'impression d'être dans le même silence que la promeneuse. Une fois de plus, je me suis laissée prendre à la plume élégante et pudique de l'auteur, je l'ai suivie dans son périple de la journée, hors du temps et de la réalité, enchantée du voyage.
Le seul reproche que je pourrais lui faire, c'est d'écrire des textes de plus en plus courts, j'aimerais quelques pages de plus.
"Aujourd'hui, il m'arrive d'oublier ce qui me rend invisible aux yeux des hommes, j'oublie que je vieillis. Je ne croise plus leur regard mais je garde cette habitude du café le matin, passage obligé entre la lenteur de la nuit et la frénésie du jour. Je continue d'aimer les présences aléatoires, les décors changeants, le jeu d'ombre et de lumière qui les anime."
A déconseiller aux amateurs de trépidant. A conseiller aux amoureux des beaux textes.
Michèle Lesbre - Un lac immense et blanc - 82 pages
Folio - 2013