Le temps de la Passion
"Il faisait sombre à présent et les tentures violettes semblaient encore obscurcir l'église. C'était toujours une période difficile pour le père Diamond : plus de fleurs, des statues enveloppées tels des défunts dans leur suaire, comme des meubles couverts de draps pleins de poussière dans une maison à l'abandon. Il avait le pied posé sur le dernier barreau de l'escabeau ; s'il ne s'agrippait pas de toutes ses forces, il tomberait si bas qu'il lui faudrait un courage infini pour remonter. Or, il n'était pas certain d'en avoir encore l'énergie. Devant lui se profilait le temps de la Passion : le dimanche des Rameaux, le jeudi saint, la terreur inspirée par le vendredi saint, la Passion, l'agonie, les chandelles, l'autel nu".
La paroisse du Sacré-Coeur, à Londres, se prépare une nouvelle fois à célébrer le temps de la Passion. Des fidèles dévoués s'activent et préparent l'église. Il y a là Stella, à la foi incertaine, distinguée femme de politicien, chargée des fleurs. Elle est en réalité concentrée sur le retour à la maison de son jeune fils, Félix, pensionnaire malheureux.
Pour Mrs Armitage, solide, efficace, décidée, c'est le retour du fils aîné qui est attendu. Il est soldat en Afghanistan et Mrs Armitage tremble intérieurement à l'idée qu'il peut lui arriver quelque chose jusqu'à la dernière minute.
Elle regarde avec commisération Mary-Margaret O'Reilly, que l'on pourrait qualifier de simplette. Jeune femme empreinte de religiosité, vivant seule avec sa mère, Fidelma. C'est par elle que ce microscome va être complètement bouleversé. En passant le chiffon sur le visage du Christ, elle croit le voir saigner, et l'entend s'adresser directement à elle.
Le père Diamond, prêtre enclin au doute et au découragement, aura du mal à maîtriser la situation, d'autant plus que la nouvelle se répand rapidement, provoquant la ruée d'un groupe de femmes bien décidées à faire de l'église du Sacré Coeur un nouveau lieu de miracle.
Si le rapport à la foi et à la religion de chaque personnage m'a peu intéressée, j'ai par contre été de plus en plus captivée par l'approfondissement de leur psychologie et de leur histoire. Les apparences se fendillent, les traumatismes profonds apparaissent, surtout pour le couple mère-fille Mary-Margaret et Fidelma. Fidelma, vieille femme obèse ne sort jamais de son appartement et c'est un crève-coeur quand nous en comprenons la raison.
"Fidelma formait une grosse tache noire sur fond de fenêtre. Mary-Margaret ne la quittait plus du regard. Masse sombre, gros monstre noir, créature de l'enfer. Sorcière déguisée en femme, femme ensevelie sous des chairs pourries, vêtue d'une jupe noire, d'un pull noir, aux pieds gonflés enveloppés de chaussons crasseux. Ses jambes étaient des colonnes de lard dont les bourrelets avaient été pétris à la main".
Pas complètement séduite donc, à cause du thème religieux, mais toute prête à relire l'auteur dont le premier roman "Saison de lumière" vient de paraître en poche.
Le billet de Cathulu
Francesca Kay - Le temps de la Passion - 205 pages
Editions Plon - Janvier 2013