Gare au feu
"Quand je pense à l'amour, et comment tout a commencé pour nous, je vois une maison au bord d'un lac, et nous étendus sur un lit, la peau comme le glissement uni de deux soiries jumelles. Je me rappelle le store vénitien, et les lattes de lumière qui brillaient à travers, rayons de lune mais aussi de soleil, parce que c'était notre façon de vivre, nous étions dans ce lit nuit et jour. C'était l'époque, aussi, où je me suis prise de passion pour un écrivain qui, vivait près d'un lac, et faisait l'amour avec un homme dans une pièce où les lattes du store traçaient des raies sur le dos luisant et doux de son amant".
Onze nouvelles d'une auteure néo-zélandaise, mettant toutes en scène des femmes confrontées à l'adultère, à l'avortement, au deuil, au deshonneur, etc .. Presque toujours des évènements du passé viennent interférer dans la vie présente en ressurgissant de manière inopinée.
L'écriture est fluide , la psychologie des personnages finement vue, rien n'est appuyé, nous sommes plutôt dans l'impalpable et l'ellipse. Il n'y a pas forcément de chute, plutôt un pas de côté et l'on voit l'histoire d'un autre oeil, avec parfois un peu d'étrangeté.
Ma nouvelle préférée "Soieries" nous parle d'une femme, lectrice passionnée de Marguerite Duras, qui finit par réaliser son rêve et aller à Hanoï avec son mari, sur les pas de l'écrivain. Le séjour tournera au cauchemar d'une manière imprévisible.
Les trois nouvelles centrales évoquent la disparition d'une femme, vue par trois générations différentes, ce qui permet de saisir ce qu'était la vie rurale en Nouvelle-Zélande à une certaine époque. La réalité de ce pays n'est pas ouvertement abordée, on la perçoit de temps à autre à travers un détail de la vie quotidienne. Les Maoris sont également peu présents, sauf dans une nouvelle.
J'ai beaucoup aimé le ton de ces nouvelles, elles sont suffisamment longues pour que l'on s'attache aux personnages. Elles décrivent bien par ailleurs la dure condition des femmes dans un pays corseté par des règles qu'il ne fait pas bon transgresser.
La nouvelle qui donne son titre au recueil met en relief une femme qui prend plaisir à mettre le feu à la nature, la sauvagerie n'est jamais très loin sous le vernis social.
"Certains soirs quand elle allait se coucher, Rachel savait qu'on avait retourné son lit. Elle repérait la trace de leurs mains domestiques farineuses sur ses draps, croyait sentir les touffeurs acides de leurs aisselles. Rachel avait horreur du voisinage de ces femmes. Elles suggéraient qu'elle ne faisait pas assez d'efforts. Est-ce qu'elle se soumettait réellement à son mari ou était-elle indocile ? Peut-être était-il temps qu'elle cesse d'aller travailler chez ces païens. Si seulement vous saviez pensait tout bas Rachel."
Un roman est paru en 2006 "La rescapée" toujours chez Sabine Wespieser.
L'avis d'Athalie
Dans cette vidéo, Fiona Kidman présente ses nouvelles
Fiona Kidman - Gare au feu par Librairie_Mollat
Fiona Kidman - Gare au feu - 394 pages
Editions Sabine Wespieser - Mai 2012