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18 novembre 2012

Bambois, la vie verte

Bambois"Finie la double vie, fini le personnage que j'enfilais avec des habits propres chaque semaine. Ça va commencer par les cheveux, fous, ils vont pousser fous. Et j'aurai des habits rien que de laine, pleins de boucles et de poils, sans qu'on me regarde avec trente paires d'yeux. Je vais être Mélu, tout-à-fait Mélu, et tisser plein les doigts tout l'hiver".

Pour celles et ceux qui ont lu "la survivance" Bambois est un récit dont des extraits sont repris dans le roman, à quarante ans de distance. Sous forme de journal, nous suivons l'arrivée et l'installation d'un jeune couple dans une petite maison isolée dans le massif des Vosges, en 1965. Mélu donne encore des cours de dessin à Colmar, Pagel veut s'installer comme berger après avoir fait l'école de Rambouillet.

Ils sont jeunes, inconscients de ce qui les attend, mais pleins d'envies et de projets. Ils veulent vivre en contact avec la nature, le plus simplement possible, à l'écart de la société de consommation qu'ils voient arriver.

"Huit heures du soir. Le vent a effacé toutes les traces. Ma toute petite lumière en allant à la bergerie. Les sonnailles rassurantes. En revenant vers la maison, j'ai eu comme une hallucination lumineuse. et la pensée que, si un ange tout-à-coup surgissait et me parlait, cela ne m'étonnerait pas vraiment".

La réalité n'a bien sûr rien de facile. Ils se heurtent à la rudesse du climat, aux aléas de l'élevage, les dettes s'accumulent, la neige les bloque souvent l'hiver, ils se sentent parfois isolés, mais il y a la joie de vivre, la joie des rencontres qui se font. Deux enfants vont naître, Chloé et Robin.

"27 Avril 1969. Naissance de Robin. Congé pour moi. Printemps délicieux passé avec Pagel et Chloé à cueillir des crosses de fougères, des feuilles de bouleaux, des pousses de bruyère, et à nous extasier chaque jour sur les nouvelles couleurs sorties de l'alambic".

Ce récit est un vrai bonheur de lecture, qui m'a rappelé toute une époque où le retour à la terre avait le vent en poupe et où l'on espérait une autre vie, plus rêvée que réaliste. Là, malgré les difficultés, le couple va tenir le coup. Les notes qu'ils ont prises au jour au jour permettent de suivre leurs progrès et leurs déconvenues dans une langue poétique pour elle, quelquefois rageuse pour lui, mais toujours omniprésent le plaisir de mener cette vie là envers et contre tout.

"Il neige dehors et moi, au chaud, je file la laine blanche et bouclée : elle fait un fil d'une totale beauté avec des nids de duvet blanc qui floconnent tout au long".

L'arrivée des brebis est un grand moment et plus encore le jour où ils se mettent au tissage. Il y a des passages merveilleux sur la recherche des plantes tinctoriales des Vosges et les essais successifs sur la laine. J'ai eu la sensation de la toucher cette laine et de la voir. Et puis Mélu est une artiste, elle fait des expositions qui vont avoir du succès et leur permettre de sortir la tête de l'eau.

"Le lichen des rochers est intarissable en couleurs fauves, sauvages, celles des pelages du renard, de l'écureuil, du cerf fuyant dans les feuilles mortes. Dans le coussin, dans le tapis tissé, l'odeur du cerf reste longtemps. La teinture au lichen est sans doute celle qui garde le plus l'odeur secrète de la forêt".

Au fil du temps, les visiteurs se succèdent à la recherche d'un autre modèle de vie, je pense notamment à Simonne Jacquemard (prix Renaudot 1962) et Jacques Brosse, en quête d'un lieu ou créer un village. Il y a aussi l'ermite qui les a incités à se mettre au tissage, personnage impressionnant et entreprenant. D'autres repartiront assez vite, vaincus par les dures conditions du quotidien.

"L'euphorie, ce soir ! La merveille d'être : sur la table les longues bouteilles de vin nouveau que Modestine a achetées chez un vigneron de Kaysersberg. Les noix à fourrer dans les crêpes, et, volant en l'air, les projets, les rires, les rêves. Perlou ronfle fort, la tête sur nos genoux, pour avoir aussi une crêpe. Moi je dis "oui, je ne vais plus en classe, tant pis, tant mieux, je reste ici, c'est trop bien, je ne redescends plus jamais ..." Modestine rit en disant qu'elle est paf, partie, complètement, que c'est la faute du vin bourru et de Bambois, Pagel dit qu'ils vont se sentir bien tous les deux, Robin et lui, avec tant de femmes autour d'eux à leur faire des crêpes et des baisers".

Si vous avez aimé "la survivance" Bambois est un complément indispensable, le début de l'aventure, même si l'auteur a semé la confusion entre réalité et fiction dans son dernier ouvrage.

Ce soir, Claudie Hunzinger est interviewée par Alain Veinstein, à 00 h 00 (France-Culture "Du jour au lendemain").

Le site de l'auteur ici
Le site de Bambois

Un exemple de son travail d'artiste, "les pages d'herbes"

Pages d'herbes

Claudie Huzinger par Françoise Saur

Claudie Hunzinger par Françoise Saur

Claudie Hunzinger - Bambois, la vie verte - 158 pages
J'ai Lu - 1975

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