Deuxième génération
Deuxième génération est un récit autobiographique, celui de Michel Kichka, dont le père est le seul de sa famille à être revenu des camps.
Michel Kichka est un caricaturiste israëlien célèbre. Il est né et a grandi en Belgique, pays où ses grands-parents s'étaient installés pour fuir les pogroms polonais.
A son retour en Belgique, en 1945, le père de l'auteur a fondé une famille et a eu rapidement deux filles et deux garçons. Il n'a pas parlé de ce qu'il a vécu, mais l'ombre des camps plane en permanence sur le quotidien, rendant l'atmosphère pesante. Le jeune Mitchi, dont les cauchemars sont peuplés de fantômes squelettiques, n'ose pas poser de questions à son père, soucieux de ne pas aggraver sa douleur. Ce silence finira par devenir terriblement étouffant, à des degrés divers pour la fratrie. Le plus jeune fils, Charlie, se suicidera.
A travers un récit très personnel, Michel Kichka fait sentir tout le poids de l'histoire sur une famille. Comment la deuxième génération peut-elle trouver sa place auprès des survivants ? L'auteur essaie de comprendre son père, ce n'est pas toujours facile, il est quelquefois acariatre et a tendance à penser que personne n'a pu souffrir plus que lui. Après s'être tu longtemps, il ne s'arrête plus de parler, écrit un livre sur son adolescence perdue, accompagne des lycéens à Auschwitz.
Le récit se déroule en quatre parties et un épilogue, avec des allers-retours à différentes périodes, l'enfance et la jeunesse de Mitchi, sa vie en Israël avec sa femme Olivia, qui le poussera à dessiner son histoire. Il mettra du temps à le faire "pendant dix ans, j'ai été habité par mon livre. Je l'écrivais dans ma tête en arpentant les rues de Jérusalem et de Paris. Des pages se dessinaient dans mon sommeil pour s'effacer au réveil. Je me trouvais toutes les bonnes raisons du monde pour ne pas me consacrer à l'écriture".
Une belle découverte que ce récit sensible, émouvant, qui ne dissimule rien des moments de lassitude, de rejet, de doute de Mitchi et la difficulté à se situer par rapport à son père. Côté graphisme, le noir et blanc convient très bien à l'histoire, les dessins soignés et nets soulignent les nuances de l'histoire en un rien de temps. J'ai lu un certain nombre de témoignages sous forme de romans, je constate à nouveau qu'une BD peut frapper fort, en condensant les émotions en quelques traits.
A lire et à faire lire autour de soi.
Le site de l'auteur ici
Une interview là
Merci à Masse Critique et aux Editions Dargaud
Michel Kichka - Deuxième génération - 104 pages
Editions Dargaud - 2012