Le cherche bonheur
"On peut se demander si c'est la meilleure idée possible. Ce couple de vieux débris, l'une avec plus de problèmes de santé qu'un pays du tiers-monde, l'autre sénile au point de ne pas savoir quel jour on est, partant sillonner les routes du pays.
Ne disons pas de bêtises, bien sûr que c'est pas une bonne idée".
Ella et John ont cinquante ans de mariage derrière eux et deux grands enfants. Ella est atteinte d'un cancer a un stade avancé, John de la maladie d'Alzeimer. Ella en a soupé des traitements médicaux de plus en plus lourds, elle entend conserver sa liberté de choix et décide de prendre la poudre d'escampette pour un dernier voyage avec John "Prendre en charge quelqu'un ne veut pas dire régenter sa vie".
Contre l'avis des médecins et de ses enfants, le couple se lance à nouveau sur les routes avec leur camping-car "le cherche bonheur" qui leur a valu tant de vacances réussies quand ils partaient tous les quatre. Ella veut refaire la mythique route 66, jusqu'à Disneyland. C'est elle qui décide du programme et de leur progression, puisque John oublie régulièrement où il est, avec qui et pourquoi. Le bonheur d'être au volant du camping-car pour de longues routes lui suffit.
Vous vous demandez dans quelle lecture morbide je me suis lancée. Que nenni ! Rien de sombre dans ce road movie, au contraire, grâce à l'humour extraordinaire d'Ella. Ce voyage est l'occasion de revivre leurs meilleurs souvenirs, elle a emmené les diapositives de leurs vacances passées et ils les regardent le soir. Leur périple est fertile en évènements plus ou moins burlesques, inquiétants, angoissants, mais Ella est une personnalité qui n'a pas froid aux yeux, qui sait ce qu'elle veut, quitte à avaler sans compter certaines petites pilules bleues.
Il y a les dangers et les surprises de la route, ils sont assez vulnérables tous les deux. Il y a aussi le comportement imprévisible de John et l'état de santé d'Ella qui ne peut que se dégrader. Mais par dessus tout il y a l'amour qu'ils partagent toujours, qui se sent à chaque page et la volonté d'Ella d'aller où elle veut les mener, malgré l'incompréhension de ses enfants, prêts à avertir la police.
"Kevin, Charles, Robina, pourquoi as-tu fait une chose pareille ?
- Nous ne savions pas quoi faire d'autre maman. C'est tout.
- Je ne peux pas le voir, mais je devine son visage furieux et buté, celui qu'il arbore quand il me provoque.
- Ma foi, la police ne peut rien contre nous, dis-je gaiement. Nous n'avons enfreint aucune loi. Ton père a un permis de conduire en règle.
Kevin reste silencieux. Les flics ont dû lui dire la même chose. La vieillesse n'est pas un délit. Du moins pas encore."
Pour celles et ceux qui connaissent les Etats-Unis, le périple sur la route 66, ou ce qu'il en reste, apporte certainement un intérêt supplémentaire. C'est un roman savoureux, qui pose malgré tout des questions essentielles sur ce qu'est vieillir, la maladie, et diriger sa vie jusqu'au bout. Drôlerie et émotion sont au rendez-vous en permanence et font oublier la gravité de la situation.
La tentatrice, à qui je me suis permis d'emprunter la carte de la route 66 : autour du puits
L'avis de Catherine
Michael Zadoorian - Le cherche bonheur - 282 pages
10/18 - 2011