Touriste
"Le touriste navigue entre ces humeurs au gré de l'état de son âme. Parfois, il aide. Sa simple présence remplit des estomacs. Parfois, il altère, dénature, ravage les endroits qu'il visite, le plus souvent par ignorance. Il ne sauve pas le monde, il n'est pas là pour çà. Le touriste finit toujours par rentrer chez lui".
Le narrateur est fasciné depuis l'enfance par la géographie, les cartes, tous les pays à voir. Adulte, il va s'arranger pour réaliser son rêve, tout en restant modeste sur ses objectifs "je ne veux ni conquérir les sommets vertigineux, ni braver les déserts infernaux. Je ne suis pas aussi exigeant. Touriste, çà me suffit".
Il nous entraîne à sa suite dans un certain nombre de points de la planète, plus ou moins chauds, plus ou moins perdus, plus ou moins visités et c'est une belle surprise.
Le catalogue pourrait être ennuyeux, mais l'humour et la lucidité de l'auteur en font un réjouissant périple qui peut se lire au premier degré et avec légèreté. Mais juste sous l'humour pointe des descriptions, l'air de rien, qui en révèlent beaucoup sur l'état du monde, l'écart entre pays riches et pays pauvres. L'auteur n'a pas peur de s'immerger dans le quotidien des autochtones, ce qui donne des rencontres d'une richesse et d'une authenticité certaines.
Il n'est jamais dupe de sa position de touriste et d'occidental, se regarde lui-même d'un oeil amusé et clairvoyant, et réussit à nous intéresser, à nous émouvoir, à nous faire réfléchir. Quelques extraits pour vous donner une idée du ton du livre :
La Chine :
"A Pékin, on a posé une Chine en plastique sur la Chine. Et çà fonctionne très bien. Ils ont réussi à cacher les pauvres et les crasseux. A Chongquing, il n'y a pas de Jeux olympiques. Les pauvres et les crasseux côtoient les costards cravates. Des ouvriers cassent les vieux immeubles à la masse, torse et pieds nus, à quinze mètres du sol. Les normes de sécurité ne sont pas optimales. Mais un centre commercial doit ouvrir dans vingt minutes à cet emplacement, alors il faut faire le boulot".
Israël :
"Ari est un jeune globalisé, il pourrait prétendre à l'universel mais il se sent condamné à être l'autre. Etre juif, il trouve çà épuisant : "çà ne veut rien dire pour moi. Je n'ai pas choisi de l'être. Je voudrais aller vivre ailleurs. Mais je sais que partout dans le monde, avec ma gueule et mon nom, il y aura toujours quelqu'un qui me verra avant tout comme un Juif. C'est presque une malédiction pour moi."
Le Mozambique :
"En dépit de la fatigue, il n'est pas évident de s'endormir. La première nuit dans la forêt est une aventure immobile. En fermant les yeux, on se retrouve aux premières loges d'une rave tropicale. Grenouilles percussionnistes, hiboux choristes et hyènes mélodiques jouent une partition délirante dans le concerto de la brousse. Dès la deuxième nuit, acclimaté, on accueille le concerto comme une berceuse."
C'est bientôt la période des vacances. Que vous voyagiez ou que vous restiez chez vous, il est à mettre à votre programme de lectures.
L'avis de Keisha
Merci à Babelio et aux Editions Au Diable Vauvert.
Julien Blanc-Gras - Touriste - 260 pages
Editions Au Diable Vauvert - 2011