Nympheas noirs
"Regardez ce parc, inspecteur, les roses, les serres, le bassin. Je vais vous révéler un autre secret. Giverny est un piège ! Un merveilleux décor, c'est certain. Qui pourrait rêver de vivre ailleurs ? Un si joli village. Mais je vais vous avouer : le décor est figé. Pétrifié. Interdiction de décorer autrement la moindre maison, de repeindre un mur, de cueillir la moindre fleur. Dix lois l'interdisent. Nous vivons dans un tableau ici. Nous sommes emmurés ! On croit qu'on est au centre du monde, qu'on vaut le déplacement comme on dit. Mais c'est le paysage, le décor, qui finit par vous dégouliner dessus".
Le célèbre village de Giverny est en émoi. On vient d'y trouver le cadavre de Jérôme Morval, la tête dans le ru de l'Epte, à quelques mètres du fameux jardin de Claude Monet. Tué trois fois en quelque sorte : un coup de poignard dans le coeur, la tête écrasée par une pierre et pour finir noyé.
L'inspecteur Laurenç Serenac, nouvellement nommé au commissariat de Vernon va mener l'enquête, efficacement secondé par Silvio Bénavidès. Trois personnages féminins vont être au centre de l'intrigue : "la première était méchante. la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste". Elles ont en commun de vouloir toutes les trois quitter le village qui les étouffe.
Un polar qui se déroule à Giverny, je ne pouvais pas le rater. Plusieurs pistes vont se présenter, dont un éventuel trafic de tableaux, un enfant du pays qui a réussi à Paris et ne peut pas s'empêcher de cavaler après tout ce qui porte jupon, un mari jaloux..
Le suspense est bien mené, l'auteur m'a baladée tout au long du livre, je n'ai pas vu venir la résolution du mystère. C'est le genre de récit où à la fin, vous avez envie de relire depuis le début pour voir s'il n'y a pas une faille quelque part, mais je pense que non, tout se tient et c'est très habile.
Jusqu'au bout je me suis demandée quel lien unissait les trois femmes, Fanette la fillette de 11 ans, Stéphanie, l'institutrice du village, et la vieille sorcière sans nom, celle qui observe tout ce qui se passe de son perchoir et qui a l'air d'en savoir très long sur ce qui se trame. Le meurtre de Jérôme Morval fait curieusement écho à une autre mort accidentelle survenue en 1937, exactement au même endroit.
La particularité de ce polar est bien sûr de se dérouler dans ce village précis, où Monet est omniprésent. L'auteur n'hésite pas à égratigner l'image d'Epinal véhiculée à son propos et égratigne joyeusement les hordes de touristes qui l'envahissent en saison. Il prévient que "les informations sur Claude Monet sont authentiques, qu'elles concernent sa vie, ses oeuvres ou ses héritiers. C'est aussi le cas pour celles qui évoquent d'autres peintres impressionnistes, notamment Théodore Robinson ou Eugène Murer". Connaissant un peu le village, cet aspect là m'a beaucoup plu, à ma prochaine visite je regarderai les lieux autrement, surtout un certain moulin !
Il y a tout de même quelques faiblesses dans l'intrigue, par exemple, l'Inspecteur Serenac m'a paru bien inconséquent dans son emballement pour la jolie Stéphanie et peu courageux au moment où il aurait fallu qu'il le soit, sans parler de ses dérapages professionnels un peu trop voyants. Désolée, je ne peux pas être plus explicite.
En conclusion, un roman à lire pour le suspense et l'histoire de Giverny.
Le site de l'auteur ici
L'avis de la Plume et la Page
Michel Bussi - Nympheas noirs - 438 pages
Presses de la Cité - 2011