Au-delà des terres infinies
"Ecrite par un moine zen, voici l'histoire d'un petit temple niché au milieu des montagnes, de Sokudô, le jeune bonze qui en a la charge, de sa femme Keiko et des évènements qui vont venir perturber une routine paisible et bien installée. Mme Ume, une médium douée du pouvoir de "communiquer avec le divin", vient de prédire sa propre mort et sa disparition annoncée s'accompagne de signes et de manifestations inhabituels. Mais peut-être ne s'agit-il que d'illusions ? Au fur et à mesure que ces signes, d'une touche légère, pénètrent peu à peu le réel, le lecteur se sent emmené dans un voyage à travers les mystères de la vie et de la mort. Dans le quotidien de ce temple et des fidèles qui le fréquentent, la banale réalité côtoie de près l'inexplicable, avec une sereine simplicité. Et voilà que ce petit livre, tel un kôan zen, vient bousculer nos certitudes et ouvrir notre esprit à des questions dont chacun doit trouver la réponse en lui-même". (présentation de l'éditeur)
Voici un parfait exemple de l'idée que je me fais de la littérature japonaise. Une écriture simple, une attention aux gestes du quotidien, une grande pudeur de sentiments, une délicatesse feutrée dans l'évocation des problèmes personnels. Sans aucune lourdeur, le lecteur est amené à réfléchir sur ce qui peut bien se passer au moment de la mort et après. La prédiction de Madame Ume est l'occasion de nous faire partager des principes simples du boudhisme et le bonze ne craint pas de reconnaître qu'il est ignorant.
Par ailleurs, Sokudô sent que sa femme est préoccupée et qu'une partie d'elle ne lui est pas accessible. Elle lui fera comprendre où elle veut l'amener au moyen du tressage de papiers d'emballage, dans une scène poétique, qui clôt très joliment le livre. L'ensemble dégage un calme et une sérénité bienfaisants.
"Ce jour-là, deux cérémonies étaient prévues. Le petit-déjeuner terminé, Sokudô enfila son vêtement blanc hakui, puis, par-dessus, le vêtement sacerdotal hôe. Après avoir disposé les offrandes dans la salle de prière principale, Keiko revint dans la maison où Sokudô préparait du thé, installé devant le brasero du salon. Il s'agissait d'une des nombreuses habitudes quotidiennes, mais c'était également un des moments préférés du couple. De la bouilloire en fonte leur parvenait comme de loin le bruit de l'eau frémissante, et dehors, le chant de la bergeronnette se faisait parfois entendre. "Bonjour" dit Sodukô, "bonjour !", répondit Keiko en inclinant la tête. Puis ils se regardèrent bien en face."
Sôkyû Genyû - Au-delà des terres infinies - 160 pages
Picquier poche - 2010