Vent printanier
"Michaï jeta un coup d'oeil sur l'esplanade abandonnée. Un feu éteint entre quatre pierres, des chaussettes accrochées à un fil, un bidon d'eau, des baguettes de pain détrempées ... l'expulsion avait dû être expéditive".
Quatre petites nouvelles dans ce recueil d'Hubert Haddad. "Vent printanier" est le titre de l'une d'elles et le nom de code de la rafle du Vel' d'hiv'. Le passé et le présent s'entremêlent, la mémoire surgit, des images impossibles à effacer, tenaces chez les enfants d'hier devenus vieux.
Le narrateur de la nouvelle qui donne son titre au recueil est Michaï, vieux musicien ambulant rescapé des camps, se retrouvant devant la gare de Bobigny. Un campement de tziganes vient d'en être expulsé pour les commérations de la déportation. Le vieil homme y rencontre un petit garçon en quête des siens, Nicolaï.
"Nicolaï avait enjambé les ronces qui mordaient aux reliquats de treillage et se tenait maintenant devant lui, l'épaule gauche un peu affaissée par son instrument. Un mélange d'anxiété extrême et de narquoiserie passa dans son regard. Marqué des marbrures d'un sommeil sans confort, son visage était empreint d'une fragilité indocile qui n'offrait aucune prise à l'apitoiement. La défiance instinctive qu'exprimait sa maigre physionomie ne visait rien ni personne. Une légère contracture des lèvres et ses yeux rougis révélaient seuls son affolement".
J'ai été tout aussi sensible aux trois autres nouvelles, autant à l'écriture qu'aux histoires où l'auteur fait appel très habilement à l'imaginaire et à la réalité, nous laissant imaginer les traces profondes laissées par ces enfances terriblement traumatisées.
Je n'appuierai pas sur l'écho que trouvent ces nouvelles dans l'actualité, je les ai lues doublement effondrée des amalgames et des vieux ressorts qui ressurgissent opportunément. L'histoire ne se répète peut-être pas, mais elle bégaie sérieusement.
"Le soir brunissait déjà les vitrines opaques. Le vieux photographe quitta sa table, les articulations douloureuses. Il éteignit le réflecteur de l'arrière-boutique et monta l'escalier à vis sans prendre la peine de ranger ses boîtes et ses dossiers. Dans sa chambre, le front contre un carreau de la fenêtre, il considéra l'activité du carrefour entre les réverbères : le petit monde des boutiques et des paliers continuait sans lui".
L'avis de Clara Mirontaine
Hubert Haddad - Vent printanier - 62 pages
Zulma - Mai 2010