Céline est garde-barrière dans un petit village. Elle a échoué là malgré sa connaissance de trois langues, sa passion des livres et son sens de l'humain. Mais voilà, Céline est grosse, très grosse et c'est impardonnable dans une société où il ne fait pas bon sortir des normes.
Pourtant Céline est belle. Anatolis, son voisin et ami le lui dit souvent "Dans tes cheveux Céline, l'odeur du feu de bois, de la mousse de chêne, des embruns. Tu es belle comme une statue renversée. Belle et blanche comme Léda et le cygne. Comme la Nuit gisante sur un tombeau, une minuscule effraie sous un genou."
Il y a aussi les deux enfants délaissés par leur mère et dont elle s'occupe, Noémie et Sylvestre. Elle leur donne tout l'amour dont elle est grosse, elle qui a perdu son seul enfant.
"Avant toute chose il y a le coeur gros. Ce coeur qu'il faudrait presque tenir à deux mains tant il est lourd. Douleur pour rien. Douleur sans raison. Apparemment sans raison. Un chagrin peut se réveiller un soir d'été parce qu'on est seule à suivre un vol de corbeaux silencieux s'en revenant des champs. On est seule dans la beauté du monde."
Et puis Céline n'est pas d'ici. Elle vient d'un pays lointain, quelque part à l'est, où l'on murmure qu'elle aurait été dans un camp. En tout cas c'est là qu'elle a connu l'amour de sa vie, son Roncevaux, son vagabond, celui dont elle attend tous les jours une lettre.
Céline va accompagner Anatolis pour le dernier grand voyage, elle va vivre sans réserve cet amour tel qu'il s'offre à eux, d'une beauté fulgurante. Et elle permettra à Anatolis de se délivrer du terrible secret qu'il gardait pour lui. "Elle voit couler ses larmes. M'accompagneras-tu Céline, m'accompagneras-tu ? Oseras-tu Céline ? Alors, elle sait lui donner le souffle des amantes au grand coeur."
Mais la vie cruelle, et le vieil Anatolis disparu, les villageois envieux et jaloux saurons lui faire payer sa splendeur et sa sensualité. Et la société saura aussi lui rappeler qu'il n'y a pas de place pour quelqu'un comme elle, nulle part.
Françoise Lefèvre est très présente sur la blogosphère, pourtant je ne l'avais pas encore lue. La plume est magnifique, l'histoire aussi. Il y a un mélange de réalisme et d'élans poétiques très réussi. Céline est ostracisée parce qu'elle est grosse, mais il est facile de transposer sur d'autres situations dans la société actuelle, de plus en plus normative me semble-t'il en ce qui concerne l'apparence.
Je me réjouis d'avoir maintenant plusieurs lectures du même auteur devant moi. Je remercie chaleureusement Florinette d'en avoir fait un livre-voyageur.
L'avis de Katell Liliba et de nombreux autres chez B.O.B.
Françoise Lefèvre - La grosse - 109 pages
Babel - 2000
je compte bien aussi approfondir cette auteure dont on parle bcq mais paradoxalement on voit peu sur les rayons ni peu d'échos sur les ondes ou autres diffusions littéraires.
bon dimanche