Les chaussures italiennes
Fredrik Welin vit reclus depuis douze ans sur une île suédoise, en compagnie d'un chien et d'une chatte. Il s'immerge tous les matins dans un trou qu'il creuse lui-même dans la glace pour se prouver qu'il est toujours en vie. Jusqu'au jour où "il y avait quelqu'un sur la glace. Une silhouette noire sur fond de blancheur immense. Le soleil était bas sur l'horizon. J'ai plissé les yeux pour mieux voir. C'était une femme. On aurait dit qu'elle marchait appuyée sur un vélo. Puis j'ai compris : c'était un déambulateur".
Le passé qu'il fuit depuis toujours va lui revenir en pleine figure comme un boomerang et sa vie va être complètement transformée en moins d'un an.
J'ai été subjuguée par la puissance et la beauté de cette histoire. Elle nous parle de solitude, de fuite, d'amour, de mort, de liens, de mensonges .. bref d'humanité.
Pour la première fois de sa vie, Fredrik va devoir affronter ses actes. Harriet ressurgit en lui demandant de tenir une promesse faite trente ans auparavant. Elle lui criera sa souffrance et de questionnement en questionnement il devra réfléchir aussi à la grave faute médicale qui l'a fait renoncer à son métier de chirurgien douze ans plus tôt et le contraint à se terrer sur l'île héritée de ses grands-parents.
Personne n'est tout-à-fait net dans ce récit, chacun a ses points faibles et sa complexité. Les personnages de femmes sont formidables. Pas de petites choses fragiles ici, des personnalités originales, capables de violence, de rebellion, de courage et d'amour infini. Je n'oublierai pas de sitôt la jeune Sima, obligée de se promener en permanence avec une épée de samouraï. Pas plus qu'Harriet, Louise et Agnès. Il y a des passages bouleversants et je me suis surprise à aimer de plus en plus Fredrik, pourtant décrit souvent sous des jours peu reluisants.
"J'avais trahi parce que j'avais peur d'être trahi à mon tour. Cette peur du lien, cette peur de sentiments trop intenses pour pouvoir être contrôlés, m'avait toujours poussé à réagir d'une seule façon : l'esquive, la fuite. Pourquoi ? Je n'aurais pas su répondre à cette question. Mais je savais que je n'étais pas le seul. Je vivais dans un monde où beaucoup d'hommes passaient leur vie à avoir peur de la même façon que moi".
Henning Mankell nous laisse entrevoir une rédemption possible pour Fredrik et c'est une fin qui me convient. Il excelle à nous transporter dans les paysages suédois, l'île, la forêt, la neige, le froid. Jusqu'à présent, je n'avais lu qu'un policier de cet auteur, sans plus d'intérêt. Là, je suis enthousiasmée par ce roman introspectif.
L'avis de Cathulu Cuné Dominique Gwenaëlle Yv
Henning Mankell - Les chaussures italiennes - 341 pages
Seuil - 2009