Manhattan
Ce petit roman a été souvent commenté sur les blogs, je pense que vous en connaissez à peu près l'histoire. La narratrice découvre des tâches sur son bras, en forme de carte de Manhattan, une irritation de la peau. Une radio révèle des tâches blanches dans le cerveau et une issue peut-être fatale. Elle prend la décision brutale de fuir, laissant sur place homme et enfants, sans un mot d'explication. Elle emmène le chien, qu'elle abandonne aussi un peu plus tard.
Elle va s'enfermer dans un petit appartement et affronter enfin un passé qu'elle n'a jamais voulu regarder. Elle écrit une lettre à sa mère pour lui jeter au visage ce qu'elle est réellement.
J'avoue que je suis un peu ennuyée pour démêler ce que je pense de ce livre. C'est un premier roman, j'en ai aimé l'écriture et les phrases souvent très percutantes. Mais je suis restée distante par rapport à l'histoire, trop délayée à mon goût et les réactions de la narratrice ne m'ont pas paru très crédibles.
Elle fait vraiment peu de cas des réactions de sa famille abandonnée assez lâchement. Des petites réflexions du genre "ils s'habitueront sans moi" "ils grandiront en m'oubliant", m'ont fait sursauter. Elle devrait savoir que ce n'est pas si simple et qu'elle leur fait un cadeau aussi empoisonné que celui qu'elle a reçu de sa mère.
La lettre adressée à celle-ci m'a paru inutilement bavarde, elle aurait pu resserrer sur l'essentiel. Je n'ai pas été surprise par le traumatisme de l'enfance, on le sent venir et je l'avais deviné dans les billets des blogueuses. A partir de là, ce qu'elle exprime à sa mère est trop long ou trop court. Certes, le sujet évoqué est suffisamment grave, mais j'ai eu constamment l'impression qu'il y avait d'autres reproches non exprimés derrière, la sensation qu'elle n'est pas allée au bout du règlement de compte.
Seules les dernières pages m'ont touchée et laissent enfin passer une dimension tragique qui manque précédemment. Ceci dit, si l'auteur a voulu montrer une femme détruite depuis longtemps de l'intérieur et ne ressentant rien à l'égard de personne, c'est très réussi .. et perturbant.
Il me reste une impression en demi-teinte. En tout cas je n'hésiterai pas à relire l'auteur, très prometteur.
"Tu ne sais pas qui je suis. Il te faut mes repères incontournables, tu ne peux pas t'y soustraire, quel sens aurait ta vie de mère si tu continues d'ignorer mes itinéraires et les contorsions que j'ai dû faire pour vivre. Tu m'as portée, je suis sortie de toi, alors supporte de regarder ce que j'ai été, ouvre tes yeux crasseux d'aveugle, décolle tes paupières lourdes, le récit est venu jusqu'à toi, ne recule pas. Tiens-toi droite et digne comme une mère face à la tombe de son enfant mort. Tu m'as perdue, au fond de toi tu sais pourquoi, même si ta mémoire est creuse, inconsistante, fais un effort, souviens-toi de Mellian, pense à l'Allemande, à sa voix, la douceur de sa voix, son corps de fée devant la grille de l'école maternelle".
Merci à Cynthia d'en avoir fait un livre voyageur.
De nombreux avis, très variés, chez B.O.B.
Anne Révah - Manhattan - 90 pages
Arléa - 2009