Une enfance australienne
"Adrian est un enfant pour qui la vie peut s'effondrer à la moindre occasion. Une seule petite difficulté suffit à le briser. Devant la fenêtre, il se laisse envelopper par l'inquiétude ; la marée des soucis lui soulève le coeur. Ses yeux gris s'humectent. Ses angoisses semblent vouloir s'infiltrer. Il n'a que neuf ans, mais le monde tente déjà de le submerger. Il ne sait pas comment il survivra quand il sera grand, quand ses angoisses auront crû avec les années, quand elles auront fleuri, quand elles se seront multipliées."
L'extrait ci-dessus donne une juste idée de l'atmosphère de ce roman. Tout au long de l'histoire j'ai eu l'impression de suivre un enfant à bout de forces, épuisé psychologiquement, en équilibre précaire sur un fil prêt à se rompre.
Rien n'est vraiment précisé, mais nous comprenons qu'il a été retiré à sa mère, incapable de s'occuper de lui, abandonné par son père qui ne veut pas s'encombrer d'un enfant, et recueilli à contre-coeur par sa grand-mère qui s'estime trop âgée pour le prendre en charge. Il y a aussi Rory, son jeune oncle qui vit cloîtré dans la maison depuis qu'il a eu un grave accident.
Le roman commence avec la disparition de trois enfants, deux filles et un garçon. Cette disparition instaure un climat d'inquiétude qui planera jusqu'au bout. Parallèlement, une famille s'installe dans la maison en face de chez Adrian, avec trois enfants également. Qui est cette famille ? Pourquoi la mère ne se montre-t'elle jamais ?
Sur cette trame, nous voyons Adrian empêtré dans le quotidien, où personne ne le rassure vraiment, et surtout pas la fréquentation de l'école où "la jument" une petite fille différente provoque des incidents de plus en plus dérangeants.
Adrian est terrifié à l'idée d'être rejeté par les deux seuls amis qu'il a pu se faire, Clinton et Nicole, la fille aînée des voisins. L'obsession d'être accepté et de ne pas se retrouver dans une solitude totale le mènera à des décisions désastreuses. Dans un climat éprouvant, nous sentons monter une catastrophe, sans savoir de quel côté elle va venir.
J'ai été captivée par cette lecture, d'une subtilité et d'une sensibilité très fortes. J'ai oublié que j'avais affaire à un personnage de roman tellement Adrian a pris de réalité au fil des pages. La confusion qui peut s'installer dans la tête d'un petit bonhomme qui ne demande qu'à aimer les autres, tous les autres, et qui n'est ni regardé, ni vu, est terrible. Seul Rory, l'oncle en rupture de société, tente quelquefois de le comprendre, sans beaucoup de persévérance. La grand'mère n'est pas indifférente, elle tient à lui, mais ne laisse passer que de la dureté.
"Adrien a l'impression de vivre dans un bocal en verre, incapable de toucher les choses. Les choses, les personnes évoluent dans un monde qu'il n'arrive pas à saisir. Il n'en voit que des bribes. Des résidus. Il reste à la surface des évènements. Il se demande si, quand il sera grand, il saisira mieux le sens de la vie, où s'il est condamné à vivre pour toujours l'existence de quelqu'un qui doit lutter pour saisir la réalité".
Les dernières pages sont magistrales. L'issue de cette histoire est inéluctable, l'auteure a su l'amener avec une maîtrise et une finesse confondantes.
Un livre que je referme en pensant à la phrase d'Henri Calet "ne me secouez-pas, je suis plein de larmes".
Je remercie et les Editions du Serpent à Plumes.
L'avis de Celsmoon Papillon Sylire
Sonya Hartnett - Une enfance australienne - 198 pages
Editions du Serpent à Plumes - 2010